Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/268

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Ici, il faut distinguer deux espèces d’ouvriers : l’apiéceur (repasseur) et la piqueuse. Le maniement du fer à repasser est fatigant et nécessite une constitution robuste ; la santé de l’apiéceur souffre beaucoup de la dépense de force musculaire qu’occasionne le maniement d’un carreau du poids de 20 à 24 livres : l’atelier est rempli d’air chaud et de vapeur malsaine. Le salaire de l’apiéceur s’élève de 18 à 24 marks (22 fr. 50 à 30 francs) par semaine ; quelquefois son travail est payé à la pièce. Une piqueuse gagne de 7 à 12 marks (8 fr. à 15 francs) par semaine ; pendant la morte-saison, l’entrepreneur réduit proportionnellement ses salaires. La piqueuse payée à la pièce gagne, suivant qualité, de 5 à 25 pfennigs, 0 fr. 0624 à 0 fr. 3125, par pièce.

Quelle est donc la vie d’une ouvrière à Berlin ? Elle est assez semblable à celle d’une Parisienne ou d’une Lyonnaise. Écoutons Mme  Oda Olberg :

L’ouvrière se lève à quatre heures du matin, prépare son café et travaille jusqu’à 7 h. ½, puis elle se rend à l’atelier de l’ouvrier-entrepreneur, où elle se met à un travail qui ne cessera même pas à l’heure du repas. Ce repas consistera en beurrées rapidement mangées tout en cousant : à dix heures du soir seulement, elle retourne chez elle, emportant les pièces non terminées, pour y travailler le lendemain et quelquefois même le dimanche. Arrivée à la maison, elle prépare une soupe maigre, mais souvent elle est tellement exténuée, qu’elle va immédiatement se coucher, sans avoir rien pris, dans une misérable chambre dont le loyer est de 9 marks (11 fr. 25), par mois.

Le dimanche même, elle ne peut ni se promener, ni se reposer, car, si elle a terminé sa tâche, il lui faut encore mettre tout en ordre au logis et réparer ses vêtements. En travaillant en moyenne douze heures par jour dans l’atelier, elle gagne par semaine 9 marks 6 pfennigs (12 francs) ; si elle est payée à la pièce pour faire des vêtements sur mesure, elle gagne jusqu’à 16 marks (20 francs). Le salaire des piqueuses est encore plus bas ; elles ne gagnent dans la morte-saison que de 5 à 6 marks (de 6 fr. 25 à 7 fr. 50) par semaine, en travaillant 12 heures par jour, et en ne cessant pas le travail aux repas [1].

LE TRAVAIL À DOMICILE

On connaît tous les lieux communs relatifs aux avantages du travail à domicile : la femme peut travailler chez elle sans que le ménage en souffre, sans que les enfants pâtissent, sans que sa moralité et sa dignité soient offensées. Malheureusement toutes ces belles phrases de philosophes mondains et de philanthropes intéressés sont démenties par les résultats désastreux de ce genre travail.

Nous avons déjà donné des preuves de cette exploitation inouïe, en produisant le salaire des travaux à la tâche dans les « fabriques collectives » de Paris. En voici de nouvelles, relevées dans la ville de Lyon par M. Bonnevay, avocat à la Cour d’appel de Lyon.

  1. Voir Bulletin du Musée social, série A. 10.