Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/278

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Pour le peignage, j’ai surtout en vue le peignage de la laine, il serait au contraire impossible de faire ainsi.

Le travail de nuit est, pour ainsi dire, une nécessité organique de cette industrie. Elle emploie un matériel d’un prix énorme et ne fait qu’un chiffre d’affaires très petit. De là la nécessité de recourir au travail de nuit. Le peignage de laine ne pourra s’affranchir du travail de nuit que si celui-ci est supprimé en Belgique et en Allemagne. Peu importe à cet égard, en effet, la pratique de l’Angleterre.

On voit donc que le travail de nuit des femmes et des enfants est, dans la plupart des cas, une nécessité du régime capitaliste.

Il est à prévoir que le travail de nuit ira s’intensifiant dans certaines industries par suite de l’application (1er  avril 1902) de la loi du 30 mars 1900, réduisant uniformément à dix heures la journée de travail dans les manufactures.

M. D. Chedville a soumis à la chambre de commerce d’Elbeuf un mémoire où il insiste sur les procédés qu’on a imaginés en Allemagne pour permettre aux industriels de regagner le temps perdu à la suite d’événements naturels ou de cas accidentels :

Pendant 40 jours par an, en Allemagne, on obtient aisément l’autorisation de faire travailler les ouvrières au-dessus de 16 ans jusqu’à 10 heures du soir, à la condition que le travail quotidien n’excède pas 13 heure. On peut juger dans quel degré d’infériorité nos industriels se trouvent placés, lorsque, ayant à accepter des commissions avec livraison à courts jours, ils se voient forcés de les laisser portera l’étranger, privant ainsi, de par la loi trop rigoureuse, nos ouvriers de salaires rémunérateurs. Ainsi, pendant que les enfants sont protégés chez nous jusqu’à 18 ans, ailleurs, l’âge est abaissé à 16 ans et même à 14 et 15 ans. Aussi arrive-t-on plus aisément à former des apprentis et à avoir constamment dans les usines un personnel expérimenté et dans la vigueur de l’âge [1].

Tel est l’argument invoqué par certains fabricants.

Il ne s’agit pas de la santé, de l’hygiène et du repos de l’enfant. Il s’agit de former des apprentis avant tout ; de préparer de la chair à travail.

Nous venons de voir que le développement de la machinerie, la division du travail et la spécialisation des fonctions, la moindre éducation professionnelle et la concurrence des fabricants à l’intérieur et a l’extérieur avaient provoqué le travail des femmes dans l’industrie. Et nous savons, en outre, que c’est la surabondance des bras inoccupés qui a fait baisser les salaires aux taux incroyables où nous les voyons dans certaines industries féminines.

Il nous reste à exposer les conséquences de ce phénomène important.

Henri Dagan
  1. Cité par la Réforme Économique de M. Domergue (novembre 1901).