Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/436

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Il lui faut maintenant séparer l’or de l’argent. Le bouton est martelé mince et plat, mis à la fournaise et maintenu quelque temps à la chaleur rouge ; après refroidissement on le roule comme un tuyau de plume et on le chauffe dans un vase en verre contenant de l’acide nitrique ; l’acide dissout l’argent et laisse l’or pur prêt à être pesé pour ses propres mérites.

Alors on verse de l’eau dans le vase contenant la dissolution d’argent, et l’argent revient à une forme tangible et se précipite au fond. On n’a plus qu’à le peser ; les proportions des divers métaux contenus dans la brique sont donc connues ; l’analyseur en estampille la valeur à la surface.

Le lecteur sagace sait maintenant sans qu’on le lui dise que le mineur, dans ses spéculations, voulant soumettre à l’épreuve au feu un fragment de roc de sa mine (afin de mieux vendre ladite), n’avait pas l’habitude de choisir l’échantillon le moins précieux de son tas de gravats, au contraire. J’ai vu des gens fouiller à un tas de quartz presque sans valeur pendant une heure et à la fin découvrir un petit morceau pas plus gros qu’une aveline et riche en or et en argent, — c’était celui-là qui était réservé pour l’analyse. Naturellement, elle démontrait qu’une tonne de roc pareil fournirait des centaines de dollars et, sur la foi de semblables analyses, maintes mines totalement dépourvues de valeur furent vendues.

Le métier d’essayeur rapportait gros : aussi arrivait-il que certaines personnes s’y lançassent, qui n’étaient pas strictement scientifiques et capables. Un essayeur en particulier obtenait des rendements si riches de tous les échantillons qu’on lui soumettait, qu’avec le temps, il se fit presque un monopole de ce genre de commerce. Mais, comme tous ceux qui réussissent, il devint l’objet de l’envie et du soupçon. Les autres essayeurs combinèrent un complot contre lui et mirent quelques notabilités dans le secret, afin de montrer la droiture de leurs intentions. Ils détachèrent un éclat d’une meule à aiguiser et le firent porter par un étranger à l’essayeur en vogue pour le faire analyser. Au bout d’une heure, le résultat arriva — duquel il ressortait qu’une tonne de ce roc fournirait 1 284 dollars en argent et 366 dollars en or.

L’affaire tout au long fut dûment publiée dans le journal, et l’essayeur en vogue quitta la ville entre deux journées.

Je remarquerai en passant que je ne restai qu’une semaine, à l’usine. Je dis à mon patron que je ne pourrais rester plus longtemps sans augmentation ; que j’aimais le travail de l’usine ; que j’en étais féru ; que jamais auparavant je ne m’étais attaché