Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/174

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— Mais ici et là, malgré les défauts des programmes et les insuffisances de toute chose humaine, on nous élevait avec une patience et une continuité admirables dans l’amour de la vérité. L’enseignement de l’État en France, me parait, sous la réserve des réformes toujours nécessaires, excellent en principe.

3 et 4. « Ce n’est pas la liberté d’enseigner que vous réclamez, disait Hugo en 1850 aux partisans de la loi Falloux ; c’est la liberté de ne pas enseigner. » Le mot est profond et toujours vrai. Cette liberté-là, on peut la restreindre, et même la supprimer : je ne verserai pas de pleurs sur sa tombe.

De M. Paul Hervieu :

J’ai fait mes études au lycée Bonaparte-Fontanes-Condorcet.

Le moins que je puisse attribuer à ce mode d’éducation, c’est de m’avoir conduit à passer mon baccalauréat.

Je pense que l’État, — qui détermine notre filiation, qui impose le service militaire, qui fixe les obligations du mariage, qui ne tient notre mort pour valable que suivant ses règles, qui nous assujettit à toutes ses lois civiles, fiscales, commerciales, etc…, — je pense que cet État ne violerait pas davantage la liberté individuelle en nous enseignant à vivre d’accord avec lui et d’accord entre nous.

De M. Francis Jammes :

J’ai reçu une éducation laïque, excepté durant quelques mois aussi douloureux que ceux du lycée. Je ne pense point que cette éducation m’ait beaucoup influencé.

Je voudrais que les enfants fussent élevés par des poètes qui leur enseigneraient l’amour qui est au cœur de tout. Chez un garçon de six ans, on exalterait son goût pour son cheval de bois, et chez une fille du même âge son attachement à sa poupée. Puis, à leur adolescence, on les enverrait se sourire dans les bois.

Quant aux professeurs demeurés sans emploi, ils deviendraient mécaniciens ou députés, de telle façon qu’on ne manquât ni de chemins de fer ni de gouvernement.

De M. Gustave Kahn :

M. Gustave Kahn qui s’est particulièrement occupé de l’enseignement littéraire et dont La revue blanche publia récemment un article sur les Manuels de littérature, nous dit :

« J’ai été élevé dans les lycées de l’État. Au point de vue littéraire qui est celui qui m’intéresse le plus, j’ai eu à me défendre de l’influence de mes professeurs. Leurs manuels suffisamment inspirés des Chartiers pour le moyen Age, encore imbus à l’extrême du respect traditionnel pour le xviie siècle, pas assez au courant du xviiie, presque ignorants du xixe sauf pour le romantisme qu’ils viennent seulement d’admettre, font foi de l’insuffisance de leur enseignement.