Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ration spontanée a été l’origine de la vie à la surface de la terre. Si notre grand évolutionniste a dit, à ce sujet, des choses insoutenables aujourd’hui, c’est que, de son temps, l’apparition des infusoires dans les milieux était considérée comme indiscutable et qu’il n’y a pas arrêté son esprit. Quand une question paraît résolue on se dispense d’y réfléchir et si l’on réalise un jour de la substance vivante, le mérite en reviendra en grande partie à M. Pasteur qui a montré qu’elle ne se produit pas quotidiennement dans les conditions banales des infusions.

Si Lamarck s’était borné à lancer dans la science l’idée transformiste, il mériterait, par cela seul, d’être considéré comme un des flambeaux de l’humanité. Mais, chose vraiment admirable, en même temps qu’il a conçu cette idée féconde, il a trouvé la véritable nature des facteurs de la transformation des espèces.

J’entre ici dans la partie discutée de son œuvre.

Lorsque Darwin a forcé l’attention du monde scientifique et a posé, dans tous les esprits, la question de l’évolution des êtres organisés, il ne s’est pas préoccupé des causes mêmes de la variation et il a essayé de montrer seulement que, sous l’influence de la sélection naturelle, toutes les variations devenaient fatalement adaptatives. L’enthousiasme provoqué par l’Origine des espèces a empêché longtemps de remarquer combien étaient incomplètes les interprétations darwiniennes ; on y est cependant arrivé enfin, et l’on a remarqué alors avec stupéfaction que, ce que Darwin n’expliquait pas, Lamarck en avait d’avance donné la clef. Aujourd’hui, grâce aux travaux de la jeune école néo-lamarckienne, la Philosophie zoologique resplendit, d’un éclat imprévu. Les principes établis par Lamarck permettent de se rendre compte de presque tous les faits de l’évolution animale.

Comme les néo-darwiniens défendent pied à pied le terrain si brillamment conquis d’abord par Darwin, je craindrais d’être accusé de partialité et je vais recommencer à citer textuellement des passages de la Philosophie zoologique.

D’abord, la variation a lieu sous l’influence des conditions de milieu :

« Quantité des faits nous apprennent qu’à mesure que les individus d’une de nos espèces changent de situation, de climat, de manière d’être ou d’habitude, ils en reçoivent des influences qui changent un peu la consistance et les proportions de leurs parties, leur forme, leurs facultés, leur organisation même ; en sorte que tout en eux participe, avec le temps, aux mutations qu’ils ont éprouvées.

« Dans le même climat, des situations et des expositions très différentes, font d’abord simplement varier les individus qui s’y trouvent exposés ; mais, par la suite des temps, la continuelle différence des situations des individus dont je parle, qui vivent et se reproduisent successivement dans les mêmes circonstances, amène en eux des différences qui deviennent, en quelque sorte, essentielles à leur être ; de manière qu’à la suite de beaucoup de générations qui se sont succédées les unes aux autres, ces individus, qui appartenaient originairement à une autre espèce, se