Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/378

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« Conclusion admise jusqu’à ce jour : la nature (ou son Auteur), en créant les animaux, a prévu toutes les sortes possibles de circonstances dans lesquelles ils auraient à vivre, et a donné à chaque espèce une organisation constante, ainsi qu’une forme déterminée et invariable dans ses parties, qui forcent chaque espèce à vivre dans les lieux et les climats où on la trouve, et à y conserver les habitudes qu’on lui connaît.

« Ma conclusion particulière : la nature, en produisant successivement toutes les espèces d’animaux, et commençant par les plus imparfaits ou les plus simples, pour terminer son ouvrage par les plus parfaits, a compliqué graduellement leur organisation ; et ces animaux se répandant généralement dans toutes les régions habitables du globe, chaque espèce a reçu de l’influence des circonstances dans lesquelles elle s’est rencontrée, les habitudes que nous lui connaissons et les modifications dans ses parties que l’observation nous montre en elle, »

Il insiste avec raison sur ce fait que la théorie fixiste « suppose que les circonstances des lieux qu’habite chaque espèce d’animal ne varient jamais dans ces lieux ; car si elles variaient, les mêmes animaux n’y pourraient plus vivre. » (p. 266).

L’adaptation de chaque être à ses conditions de vie est donc une preuve irréfutable de la transformation des espèces. Car (p. 231) :

« Ce qu’on ne sait pas assez, et même ce qu’en général on se refuse à croire, c’est que chaque lieu lui-même change avec le temps, d’exposition, de climat, de nature et de qualité, quoique avec une lenteur si grande par rapport à notre durée, que nous lui attribuons une stabilité parfaite… On sent de là que s’il y a des extrêmes dans ces changements, il y a aussi des nuances, c’est-à-dire, des degrés qui sont intermédiaires et qui remplissent l’intervalle. Conséquemment, il y a aussi des nuances dans les différences qui distinguent ce que nous nommons des espèces. »

On devrait donc trouver tous les passages entre deux formes différentes d’êtres vivants ; l’absence de ces types de passage était une difficulté que Lamarck n’a pas résolue. Darwin au contraire l’a lumineusement expliquée, mais, pour ne pas avoir compris le rôle de la sélection naturelle, l’auteur de la Philosophie zoologique n’en a pas moins laissé une œuvre admirable et presque complète. On peut au contraire reprocher à Darwin et surtout aux néo-darwiniens, d’avoir méconnu, malgré Lamarck, le rôle prépondérant de l’influence du milieu et d’avoir attribué le plus souvent la variation des êtres aux hasards des fécondations. En réalité, Lamarck n’a pas rejeté la possibilité de l’apparition d’espèces nouvelles sous l’influence de l’hybridation, mais il en a parlé vaguement et sans lui attribuer plus d’importance qu’elle n’en mérite. Je ne relève dans son livre que deux passages relatifs à cette possibilité ; d’abord (p. 63) :

« L’idée d’embrasser sous le nom d’espèce, une collection d’individus semblables, qui se perpétuent les mêmes par la génération, et qui ont ainsi existé les mêmes aussi anciennement que la nature emportait la