Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/379

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nécessité que les individus d’une même espèce ne pussent point s’allier, dans les actes de génération, avec des individus d’une espèce différente.

« Malheureusement, l’observation a prouvé, et prouve encore tous les jours, que cette considération n’est nullement fondée ; car les hybrides, très communs parmi les végétaux, ont fait voir que les limites entre ces espèces prétendues constantes, n’étaient pas aussi solides qu’on l’a imaginé.

« À la vérité, souvent il ne résulte rien de ces singuliers accouplements, surtout lorsqu’ils sont très disparates, et alors les individus qui en proviennent sont en général inféconds : mais aussi, lorsque les disparates $ont moins grandes, on sait que les défauts dont il s’agit n’ont plus lieu. Or ce moyen seul suffit pour créer de proche en proche des variétés qui deviennent ensuite des races et qui, avec le temps, constituent ce que nous nommons des espèces. »

Et plus bas (p. 73) :

« En effet, outre que nous connaissons les influences et les suites des fécondations hétéroclites, nous savons positivement aujourd’hui qu’un changement forcé et soutenu, dans les lieux d’habitation, etc., etc. »

Lamarck laisse ainsi de côté, immédiatement, les phénomènes d’hybridation, pour revenir à l’influence du milieu et il a raison. Malgré Weismann et les néo-darwiniens, il paraît en effet définitivement établi aujourd’hui que le mélange des sexes, dans les espèces vivant en liberté, a pour résultat de maintenir le type moyen de l’espèce et non d’introduire des variations dans ce type. S’il y a eu, exceptionnellement, formation d’une espèce par fécondation croisée, ce ne peut être que dans des cas très particuliers. L’influence du milieu est le facteur essentiel de la variation.

Tout le monde sait que « Darwin a établi la parenté de l’homme et du singe ». Il n’est pas inutile de montrer que l’idée de cette parenté est pleinement exprimée par Lamarck et que Darwin, à qui on la prête, pour le lui reprocher d’ailleurs, n’y a rien ajouté.

« Si une race quelconque de quadrumanes, dit Lamarck (p. 349), surtout la plus perfectionnée d’entre elles, perdait, par la nécessité des circonstances ou par quelqu’autre cause, l’habitude de grimper sur les arbres,… et si les individus de cette race, pendant une suite de générations, étaient forcés de ne se servir de leurs pieds que pour marcher et cessaient d’employer leurs mains comme des pieds ; il n’est pas douteux…, que ces quadrumanes ne fussent à la fin transformés en bimanes, et que les pouces de leurs pieds ne cessassent d’être écartés des doigts, ces pieds ne leur servant plus qu’à marcher.

« … Enfin, si ces mêmes individus cessaient d’employer leurs mâchoires comme des armes pour mordre, déchirer ou saisir, ou comme des tenailles pour couper l’herbe et se nourrir et qu’ils ne les fissent servir qu’à la mastication ; il n’est pas douteux encore que leur angle facial ne devînt plus