Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/467

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lieu de déterminer une pression, produiront un mouvement d’ensemble ; l’eau s’écoulera par le trou.

Nous ne connaissons pas de matière immobile ; il en existe peut-être, mais nous ne pouvons pas la connaître, puisque nos organes des sens, par lesquels nous sommes avertis de ce qui se passe autour de nous, ne peuvent être impressionnés que par des mouvements. On a cru à l’immobilité de la matière avant de s’être rendu compte de la nature des phénomènes lumineux ; on a comparé grossièrement le caillou de la route à l’oiseau qui peut s’envoler, et on a considéré le premier comme inerte, le second comme créateur de mouvement ; l’un et l’autre sont le siège de mouvements incessants.

Il n’y a pas création de mouvement chez les animaux ; il y a seulement transformation de mouvement, mais cette transformation nous semble une création, comme tout ce qui est de nature chimique. Quand nous tirons un coup de canon, avec de la poudre qui paraissait immobile, nous transformons en un mouvement linéaire d’ensemble, savoir le transport du boulet, tous les petits mouvements qui, dans chacun des éléments au repos chimique, caractérisaient précisément la nature chimique de ces éléments. De même l’homme, nourri d’aliments et d’oxygène, transforme en activité humaine toutes les activités latentes de ces substances alimentaires :

Nous ne connaissons que de la matière en mouvement ; nous n’assistons qu’à des transformations de mouvement. Où donc pouvons-nous trouver la raison d’être de l’affirmation de saint Thomas : Omnes quod movetur ab alio movetur ? Uniquement dans l’histoire du caillou auquel nous donnons un coup de pied ; c’est peu de chose, et nous avons vu ce qu’il faut en penser. De même que les petits ruisseaux font les grandes rivières, de petits mouvements, que nous ne voyons pas, peuvent se synthétiser en grands mouvements que nous voyons et que nous croyons voir naître ; voilà la source de l’erreur de saint Thomas.

L’idée de mouvement est donc inséparable pour nous de l’idée de matière ; je pense que la plupart des théologiens continueront néanmoins, pour le besoin de la cause, à considérer la matière comme essentiellement immobile et ne pouvant être agitée que par l’esprit ; mens agitat molem ! Et cela démontre l’existence de l'esprit, puisqu’il y a du mouvement. Ce n’est pas plus difficile que cela.

Il y a de la matière en mouvement ; voilà ce que nous apprend la science ; les mouvements élémentaires se synthétisent de diverses manières et produisent des mouvements d’ensemble,