Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/432

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sés ont des propriétés chimiques qui ne dépendent pas seulement de la nature des éléments composants, mais encore de la manière dont ces éléments sont associés entre eux. C’est donc l’expérience qui nous apprend si tel ou tel composé chimique est ou n’est pas alimentaire pour telle ou telle espèce vivante.

Étant donnée une espèce vivante, on rangera dans la catégorie des aliments de cette espèce tous les corps simples ou composés qui peuvent faire utilement partie d’un mélange constituant un aliment complet pour l’espèce étudiée. On s’est demandé s’il n’existait pas au moins une substance qui pût être considérée comme alimentaire pour tous les êtres vivants et l’on a cru longtemps que cela était vrai de l’oxygène. Pasteur a montré que certains êtres, dits anaérobies, sont tués par l’oxygène libre ; il leur faut cependant de l’oxygène, puisque leur substance en contient, mais ils ne peuvent utiliser comme aliment que l’oxygène combiné à d’autres substances. L’oxygène libre, loin d’être un aliment pour les espèces anaérobies, est pour elles un poison.

Une substance agit comme poison sur une espèce cellulaire si, introduite dans un milieu où des individus de cette espèce trouvaient une alimentation convenable, elle arrête la nutrition des cellules considérées. L’oxygène est un poison pour les microbes anaérobies ; l’alcool est un poison pour la levure de bière etc… mais il y a poisons et poisons.

D’abord, pour qu’une substance agisse comme poison, il faut qu’elle existe dans le milieu avec un certain degré de concentration. Il y a bien des poisons qui agissent en quantités infinitésimales ; même sans parler des toxines microbiennes que nous ne savons pas encore bien doser et qui ont un pouvoir effrayant, Raulin a constaté qu’un sel d’argent dilué à la dose d’un gramme dans seize cents litres d’eau arrêtait tout développement de l’aspergillus.

Considérons d’ailleurs les diverses substances du liquide Raulin ; ce sont, nous l’avons dit, les aliments de l’aspergillus, mais ce sont des aliments pourvu qu’ils soient mélangés aux autres ingrédients dans de certaines proportions. Le sulfate de zinc, par exemple, doit exister dans le mélange en très petite quantité ; s’il y est introduit en plus grande abondance il devient un poison et arrête le développement. Voilà une notion qu’il ne faut pas perdre de vue lorsque l’on se demande si une substance est alimentaire ou vénéneuse pour une espèce cellulaire donnée ; la même substance peut être un aliment ou un poison suivant les proportions dans lesquelles on l’emploie. On peut même poser en thèse près-