Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/56

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anticléricaux comme vous, mon cher docteur, ont contesté ses découvertes et l’ont traité de calotin. Tout cela n’empêche pas la vérité de se faire jour ; mais il lui faut plus ou moins de temps ; les passions humaines peuvent apporter un obstacle momentané à la diffusion de la vérité ; elles n’arrêtent pas la vérité.

— Avouez cependant, dit le médecin, que s’il n’y avait pas des anticléricaux comme moi, de ces anticléricaux a priori ainsi que vous les appelez dédaigneusement, les savants réfugiés dans leur tour d’ivoire n’arriveraient jamais à triompher de l’obstruction puissante du clergé. Et à ce point de vue, au moins, vous devez trouver que notre propagande n’est pas inutile.

— Les savants sont des hommes, répondit Fabrice, et c’est pour cela que je ne connais pas d’exemple d’un seul d’entre eux qui se soit complètement désintéressé de l’accueil fait par le public à ses découvertes ; il est difficile de rester impassible quand, connaissant la vérité, on voit enseigner l’erreur. Mais ce n’est pas une raison pour supposer que les retardataires sont de mauvaise foi ; au lieu de crier que le clergé, par exemple, se refuse à constater l’évidence et continue de parti pris à répandre des mensonges, il vaudrait mieux se dire que la vérité à laquelle on est arrivé n’a pas une forme suffisamment accessible, puisque son évidence n’éclate pas aux yeux de tous, et chercher à la présenter sous une forme meilleure ; la vérité triomphera, c’est certain, et alors il n’y aura plus de curés, pas plus qu’il n’y a aujourd’hui de partisans de la théorie du phlogistique. On ne naît pas ecclésiastique, mais homme et lorsque l’absurdité des dogmes sera patente, personne ne songera plus à consacrer sa vie à les défendre. C’est une vilaine chose que de croire à la mauvaise foi de ses adversaires ; il y a bien plus de braves gens qu’on ne le dit et ce qui manque le plus c’est la logique.

— Que messieurs les curés commencent ! s’écria le docteur. Avez-vous jamais lu un de leurs journaux ? C’est un ramassis d’injures et de mensonges volontaires ; je voudrais bien savoir où il y a de la mauvaise foi s’il n’y en a pas dans « la Croix ».

— Je n’ignore pas ces injures, dit M. Tacaud. J’ai moi-même été traité de scélérat dans quelques bonnes revues [1] pour avoir publié des arguments biologiques ; et cette animosité grossière me paraît un signe de décrépitude et de faiblesse. Ne les imitons pas, nous qui avons la vérité pour nous ; soyons beaux joueurs ; laissons baver les folliculaires qui se mettent à la solde du clergé et lui persuadent de continuer une résistance inutile. Il y a de

  1. Analyse de « Le conflit > dans la Revue Générale, Bruxelles, septembre 1901 et dans la Revue bibliographique belge, Bruxelles, 31 juillet 1901.