Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/576

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de leur cerveau un système qui répondît à la fois à toutes ces questions si différentes, se sont proposé un but qui est au delà des routes humaines. Or, en séparant ces questions, on arrive à les résoudre isolément ; encore, par résoudre, faut-il bien entendre qu’on ne veut pas dire connaître le fond des choses, l’homme ne connaîtra jamais le fond des choses, — mais seulement ramener un grand nombre de faits très complexes à une synthèse d’un petit nombre de phénomènes plus simples qui ressemblent à des manifestations familières de l’activité physico-chimique.

Expliquer c’est comparer. Mais précisément, disent les vitalistes, à quoi comparer la vie si ce n’est à la vie elle-même ? Évidemment nous ne connaissons pas l’essence des phénomènes physiques et des phénomènes chimiques, et si nous ramenons à des phénomènes de cet ordre toutes les manifestations vitales, nous n’aurons pas pour cela une connaissance définitive de la nature des choses ; mais ce sera déjà un résultat très important d’avoir montré que la vie n’est pas essentiellement différente des autres phénomènes naturels, pas plus que les propriétés de la l’alcool ne sont essentiellement différentes des propriétés de la benzine. Ce sera surtout un résultat très important que d’avoir su raconter la partie connue des phénomènes vitaux en langage physico-chimique, au lieu d’employer un langage rempli d’idées préconçues sur les parties non encore approfondies de ces phénomènes, langage dont le moindre inconvénient est de vouloir expliquer précisément ce qu’on connaît par l’intervention de ce qu’on ne connaît pas !

Bien des penseurs trouvent au contraire, avec Auguste Comte, que « les êtres vivants nous sont d’autant mieux connus qu’ils sont plus complexes. L’idée d’animal est plus claire pour nous que celle de végétal. L’idée des animaux supérieurs est plus claire que celle des animaux inférieurs ». Le tout est de s’entendre sur ce qu’on appelle clair. Évidemment, pour nous hommes, habitués à voir des hommes autour de nous, rien n’est plus familier que les actions humaines, et nous n’éprouvons jamais d’étonnement à constater que notre semblable se comporte dans telle circonstance exactement comme nous nous serions comportés à sa place ; nous admirons, au contraire, les êtres différents de nous, et nous les admirons d’autant plus qu’ils s’éloignent davantage de notre structure et de notre habitus. Bien des gens ont refusé de croire à la parthénogénèse des pucerons tant qu’elle n’a pas