Page:La Revue blanche, t6, 1894.djvu/346

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et les lacs de Galilée : ils y arrivaient par une intense solidarité. Au milieu des gémissements et des oppressions, ils furent amenés davantage à vivre entre eux, à s’allier étroitement. Ne savaient-ils pas que dans leurs voyages, ils trouveraient un sûr abri seulement chez le Juif, que si la maladie les saisissait sur la route, seul un Juif les secourrait fraternellement et que s’ils mouraient loin des leurs, des Juifs seuls les pourraient ensevelir suivant les rites et dire sur leurs corps les coutumières prières ?

Cependant, si l’on veut comprendre exactement la situation des Juifs pendant ces âges sombres, il faut la comparer à celle du peuple qui les entourait. Les persécutions contre les Juifs s’exerceraient aujourd’hui que leur caractère d’exception les rendrait plus douloureuses. Au moyen âge les prolétaires et les paysans n’étaient pas sensiblement plus heureux ; les Juifs étaient secoués par des convulsions terribles, mais ils avaient des époques de relative tranquillité, périodes que ne connaissaient pas les serfs. On prenait des mesures contre eux, mais quelle mesure ne prenait-on pas contre les Moresques, les Hussites, les Albigeois, les Pastoureaux, les Jacques ? Du onzième à la fin du seizième siècle, d’abominables années se déroulèrent et les Juifs n’en pâtirent pas beaucoup plus que ceux au milieu desquels ils vivaient. Ils en pâtirent pour d’autres causes, et ils en furent impressionnés différemment.

Bernard Lazare