Page:La Revue blanche, t8, 1895.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

arrivée, je vous écrivis une lettre, où je vous ouvrais tout mon cœur… Je vous disais combien mes luttes dépassaient mes forces… Je vous rappelais cette sainte promesse qui fut la dernière que j’obtins de vous en partant – la promesse sans restriction de venir à mon lit de mort. Je vous suppliai donc de venir, vous indiquant où me trouver à Boston. Cette lettre écrite, j’avalai à peu près la moitié du laudanum, et courus à la poste, me proposant de ne pas boire le reste avant de vous avoir vue – car je ne doutais pas un instant qu’Annie accomplît sa promesse sacrée. Mais j’avais compté sans la puissance du laudanum, et, avant que je fusse arrivé à la poste, ma raison était entièrement partie ; et la lettre ne fut pas expédiée. Laissez-moi taire – ma chère sœur – la lugubre horreur de ce qui suivit. Un ami était là, qui m’aida et (si cela peut être ainsi nommé) me sauva ; mais c’est seulement depuis trois jours que j’ai pu me rappeler les incidents de cette triste période. Il faut croire qu’une fois le laudanum expulsé de l’estomac, je devins calme, et, pour un observateur superficiel, suffisamment bien portant, car je pus retourner à Providence… Ce n’est pas beaucoup que je demande, douce sœur Annie – ma mère et moi voudrions prendre un petit cottage – oh, si petit – si vraiment humble – je serais loin du tumulte du monde – loin de l’ambition, que j’abhorre — je travaillerais jour et nuit et avec industrie, je pourrais accomplir tant de choses. Annie ! ce serait un Paradis, par delà mes plus sauvages espoirs. – Je pourrais voir quelque personne de votre bien aimée famille chaque jour, et vous souvent. Ces peintures n’émeuvent-elles pas le plus secret de votre cœur ?… Je suis à la maison maintenant avec ma chère mère, qui s’efforce de me réconforter – mais les seuls mots qui me charment sont ceux par lesquels elle me parle d’Annie. – Elle me dit qu’elle vous a écrit pour vous prier de venir à Fordham. Ah ! Annie, n’est-ce pas possible ? Je suis si malade – si-terriblement, désespérément malade de corps et d’esprit, que je sens que je ne peux pas vivre… Ne vous est-il pas possible de venir – fût-ce pour une courte semaine ? — que je mate cette redoutable agitation, qui, si elle persiste, détruira ma vie ou me rendra inévitablement fou. Adieu – ici ou ailleurs – pour toujours votre

Eddy.




À Mme Whitman

22 novembre 1848.

… Je vous ai écrit hier, douce Hélène, mais dans ma peur d’arriver trop tard pour le départ du courrier, j’ai omis des