Page:La Revue blanche, t9, 1895.djvu/132

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comme on y trempe, je l’ai, particulièrement les soirs de Dimanche, jusqu’au silence. Appréhension quant à cette heure, qui prend la transparence de la journée, avant les ombres puis l’écoule lucide vers quelque profondeur. J’aime assister, en paix, à la crise et qu’elle se réclame de quelqu’un. Les compagnons apprécient l’instant, à leur façon, se concertent, entre souper et coucher, sur les salaires ou interminablement disputent, en le décor vautrés. M’abstraire ni quitter, exclus, la fenêtre, regard, avec moi, de l’ancienne bâtisse sur l’endroit qu’elle sait, pour faire au groupe des avances, sans effet. Toujours le cas : pas lieu de se trouver ensemble ; un contact peut, je le crains, n’intervenir entre des hommes. — « Je dis » une voix « que nous trimons, chacun ici, pour d’autres » — « … mieux », interromprais-je bas « vous le faites, qu’on vous paie et d’être légalement, quant à vous seuls » — « Oui, les bourgeois » j’entends, peu concerné « veulent un chemin-de-fer » — « … pas moi, du moins » pour sourire « je ne vous ai pas appelés dans cette contrée de luxe et sonore, bouleversée, autant que je suis gêné. » Ce colloque, fréquent, en muettes restrictions de mon côté, manque, par enchantement ; quelle pierrerie, le ciel, fluide ! Toutes les bouches ordinaires tues au ras du sol comme y dégorgeant leur vanité de parole. J’allais conclure : « Peut-être moi, aussi, je travaille… — À quoi ? n’eût objecté aucun, admettant, à cause de comptables, l’occupation transférée des bras à la tête. À quoi — tait, dans la conscience seule, un écho — du moins, qui puisse servir, parmi l’échange général. Tristesse que ma production reste, à ceux-ci, par essence, comme les nuages au crépuscule ou des étoiles, vaine.

Véritablement, aujourd’hui, qu’y a-t-il ?

L’escouade du labeur gît au rendez-vous mais vaincue. Ils ont trouvé, l’un après l’autre qui la forment, ici affalée en l’herbe, l’élan à peine, chancelant comme sous un projectile, d’arriver et tomber à cet étroit champ de bataille : quel sommeil de corps contre la motte sourde.

Ainsi vais-je librement admirer et songer —

Non — ma vue ne peut, de l’ouverture où je m’accoude, s’échapper dans la direction de l’horizon, sans que quelque chose de moi n’enjambe, indûment, avec manque d’égard et de convenance — à mon tour — cette jonchée d’un fléau ; dont, en ma qualité, je dois comprendre le