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Page:La Revue bleue, tome 49, 1892.djvu/246

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2° C’est ce qui a lieu à l’étranger, en Allemagne, en Angleterre, etc., où les étudiants en théologie forment le plus compact et le plus noble contingent de la population universitaire.

3° C’est ce qui a lieu en France même, pour d’autres cultes, par exemple le culte protestant.

4° D’ailleurs, le prêtre, en France, touchant un salaire d’État, ne devrait-il pas être logiquement tenu de fournir un diplôme d’État, comme l’exigeait l’ancien droit, si malheureusement tombé en désuétude ?

5° Enfin et surtout, l’État français n’a-t-il pas ici, plus encore que partout ailleurs, un haut et impérieux devoir de sauvegarde générale ? Eh quoi ! l’État qui pourchasse impitoyablement, par exemple, les médicastres et les rebouteux, et qui n’entend à aucun prix nous laisser confier nos bras et nos jambes à des praticiens non diplômés, ce même État n’hésite pas à confier le peuple, les femmes, l’âme de la France, non pas à des docteurs ès sciences morales et sociales, à des « docteurs » authentiques, non pas même à des « officiers de santé », mais à de simples « empiriques », élevés loin de ses yeux, en vase clos, dans une science obscure, et dans un esprit hostile à nos aspirations et à nos institutions !

Véritablement n’y a-t-il pas là quelque chose de tout à fait déconcertant ?

Je le dis sans aucune animosité, mais dans un large esprit de vérité et de justice : voyez, d’une part, le futur pasteur anglais ou allemand, installé dans une ville universitaire, dans un centre de libre science, parmi l’élite de la jeunesse de son pays, au pied des chaires des plus éminents esprits de son temps ; et voyez, d’autre part, le futur prêtre français, petit paysan cueilli sur la glèbe par le desservant rural, interné au séminaire du chef-lieu, loin de la jeunesse des classes libérales, loin des maîtres de la pensée contemporaine, séquestré du siècle, et estropiant son esprit dans des disciplines au moins surannées ! Quel lamentable et inquiétant contraste !

Reliez au contraire l’Église à l’Université ; reliez le prêtre au savant… et peu à peu le funeste antagonisme qui nous épuise et nous tue va s’atténuer, pour faire place à la hiérarchie, à la coordination, à la corrélation, à l’évolution harmonieuses.

Ainsi la constitution des grandes Universités, outre ses immenses avantages directs, pourrait encore être l’amorce de la plus profonde des réformes après laquelle soupire depuis des siècles notre malheureux pays, la réforme religieuse et ecclésiastique.

conclusion.

Je conclus.

Au lendemain de 1870, la République française s’est trouvée en face d’une tâche immense.

Elle paraît avoir mené à bien deux grandes entreprises : la réorganisation scolaire et la réorganisation militaire.

Deux autres entreprises, plus vastes et plus difficiles encore, s’offrent maintenant à elle : la réorganisation universitaire et la réorganisation ecclésiastique.

Rien n’autorise à croire qu’elle sera inférieure à cette autre partie de sa tâche.

Pour aujourd’hui, c’est la réorganisation universitaire qui est en cause.

Le Gouvernement a proposé. Sa responsabilité est désormais dégagée, quoi qu’il arrive.

Au Parlement de disposer.

Or il ne paraît pas possible que le Parlement se méprenne sur la portée de ce Projet de loi ministériel, en apparence modeste, et en réalité vital.

Il ne s’agit, en effet, ni de formalisme administratif, ni d’inoffensives manies pédagogiques : il s’agit de rouvrir au peuple de France les sources profondes de l’Énergie spirituelle, mère de la Force matérielle, et condition du Salut dans la tragique mêlée des nations…

J. B. Jean Izoulet.

LA PRÉPARATION A LA GUERRE[1]

M. de Cissey est naturellement préoccupé des obligations nouvelles qu’impose aux officiers la brièveté du service de trois ans. Il s’agit de former de bons soldats en moins de temps qu’autrefois. La responsabilité de tous ceux qui ont un grade y est engagée, particulièrement la responsabilité du capitaine, chef de la compagnie.

Au fond, c’est le capitaine que M. de Cissey met en scène, auquel il trace son rôle et ses devoirs. Le colonel, le chef de bataillon lui-même commandent à trop de monde pour exercer sur chacun une action individuelle. Le capitaine, au contraire, doit tenir dans sa main tous les hommes de sa compagnie sans exception et les préparer le mieux possible à la guerre. Les conscrits lui arrivent en général dans un état d’esprit et de corps qui les rend accessibles à toutes les influences du commandement. Ils n’ont pas encore de pli arrêté, ils sont une matière malléable qu’un chef habile façonne à son gré. On obtiendra d’eux ce qu’on voudra par une éducation et par une instruction raisonnées.

Avant tout, la fermeté est nécessaire, mais la fermeté toute seule ne suffit pas. Il faut y joindre la bonté. Exiger de chaque homme une obéissance absolue, lui

  1. L’Instruction raisonnée dans l’infanterie, par le lieutenant de Cissey. — Librairie militaire de Baudoin, 1891.