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LA REVUE DU MOIS

compte de la variété du recrutement qui lui fournit tantôt des jeunes gens d’une culture intellectuelle développée, mais peu pratiques, tantôt des apprentis d’une valeur professionnelle assez grande, mais peu théoriques. Un tel enseignement moyen calculé sur l’acquit préalable de toutes les recrues est forcément mal conçu, d’abord parce qu’il repose sur des bases de nature différente, suivant que cet acquit est professionnel ou intellectuel, et ensuite parce qu’il est calculé d’après les connaissances antérieures minima des élèves, de la même façon qu’une escadre homogène est obligée de régler sa vitesse sur le plus mauvais marcheur. Il s’ensuit que cet enseignement commun donné à tous ne satisfait personne : trop faible quand il s’applique aux matières étudiées avant l’arrivée au service, il est trop élevé pour les matières apprises ultérieurement.

C’est ainsi qu’au point de vue professionnel, les théoriciens, tels que les élèves des Arts et Métiers subissent dans la marine un apprentissage manuel trop long qui excède de beaucoup la durée nécessaire à l’obtention de la pratique requise par leurs fonctions, tandis qu’au point de vue intellectuel, les praticiens tels que les apprentis élèves ou quartiers-maîtres ne peuvent lutter contre ces mêmes élèves des Arts et il en est de même d’un grand nombre d’ouvriers fort intelligents qui se voient dans l’impossibilité de compléter, par les cours faits à bord, leur instruction première un peu superficielle. De même au point de vue professionnel, les praticiens tels que les candidats quartiers-maîtres sont concurrencés par les ouvriers spécialisés sortant de l’école de Lorient, tandis qu’au point de vue intellectuel, les élèves des Arts et Métiers qui arrivent avec une base scientifique très sérieuse la développent mal parce que leur instruction est éparpillée sur de trop nombreux examens espacés dans les différents grades qu’ils parcourent. Ce travail, fait par des à-coups successifs, ne permet guère à l’esprit de saisir la portée philosophique de l’enseignement, et lui apprend bien le particulier sans lui faire comprendre le général. C’est un travail d’analyse plutôt que de synthèse qui développe l’esprit d’observation mais tue celui d’entreprise ; c’est, en un mot, l’ennemi des idées générales.

Un autre inconvénient du principe uniforme de l’instruction