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PIERRE CURIE

de morceaux pris dans les vieilles maisons de la rue Saint-Jacques sur lesquelles on avait dû empiéter peu à peu.

Moins de deux ans après son entrée, il publie en collaboration avec Desains son premier travail, une étude sur les longueurs d’onde calorifiques, et presque en même temps, avec son frère, l’importante découverte de la piézo-électricité. Jacques, qui travaillait à cette époque dans un autre laboratoire de la Sorbonne, celui de Chimie organique, avait été conduit par Friedel, minéralogiste et chimiste à la fois, à s’occuper de cristallographie physique. L’exemple du maître, qui venait de publier un travail sur la pyroélectricité, sur ce phénomène connu depuis l’antiquité, l’électrisation spontanée de certains cristaux par échauffement, mit les deux frères, qui travaillèrent longtemps en commun, sur la voie d’un fait plus général et entièrement nouveau celui-là, le dégagement d’électricité par compression des milieux cristallisés.

Avec une habileté surprenante à leur âge, les jeunes physiciens surent faire rapidement une étude complète du phénomène, déterminer les conditions de sa production, les familles cristallines qui devaient le présenter, et donner ses lois quantitatives remarquablement simples, en même temps que sa grandeur absolue.

Cette découverte devait exercer une profonde influence sur l’esprit de Pierre Curie, l’amener à réfléchir aux lois de symétrie, à se rendre familier comme bien peu l’ont été avec leur édifice compliqué, et à énoncer plus tard un principe général, d’importance essentielle en physique comme en cristallographie.

Ces travaux poursuivis dans diverses directions, ces réflexions théoriques qu’il n’abandonna jamais complètement et auxquelles il revenait avec une prédilection marquée, occupent surtout plusieurs années au cours desquelles, en 1882, il quitte la Sorbonne pour entrer comme chef des travaux à l’École de physique et de chimie industrielles, que la ville de Paris fondait à ce moment sous l’ardente impulsion des chimistes de l’école atomiste, de Friedel en particulier, et dont Schützenberger prenait la direction.

Pierre Curie devait rester vingt-deux ans, la presque totalité de sa vie scientifique, dans les vieux bâtiments du collège Rollin où la nouvelle école s’installa, un peu sommairement