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LA REVUE DU MOIS

tout d’abord. Il revenait ainsi sur le versant tranquille de la butte Sainte-Geneviève, tout peuplé de couvents où dormait l’esprit du passé, dans le vieux quartier des Postes, à deux pas de la rue de l’Arbalète où se trouvaient l’ancienne École de pharmacie et son premier laboratoire.

Il n’aura pas eu le temps de voir s’en aller la maison séculaire où il passa ces vingt-deux années, et qu’on rasera bientôt pour faire place à de nouveaux laboratoires après l’avoir longtemps étayée pour l’empêcher de glisser jusqu’aux catacombes. Nul n’y vécut plus complètement que lui et ces murs qu’il devait illustrer sont pour nous tout pleins de son souvenir. Il y passait ses journées tout entières, ne rentrant que le soir à Fontenay, puis à Sceaux où il vint successivement habiter avec ses parents après que le Dr Curie eût cessé d’exercer à Paris. Il y passait aussi les vacances, pendant lesquelles son frère, maitre des conférences à Montpellier depuis la soutenance de sa thèse, venait le retrouver pour reprendre la collaboration féconde que cette séparation seule avait pu interrompre, où ils retournaient à l’union active et curieuse de leurs jeunes années, Jacques plus vif et plus ardent, d’aspect plus robuste aussi, Pierre plus enclin à la méditation et volontiers contemplatif.

Il se trouvait, à vingt-trois ans, dans ses nouvelles fonctions, à peine plus âgé que les élèves dont il fut le camarade et l’ami autant que le maître, et qu’il sut immédiatement s’attacher autant par sa science que par sa bonté. Il se trouva immédiatement à l’aise, servi par le garçon qu’il avait amené de la Sorbonne avec lui et dont il ne devait jamais se séparer, seul dans son laboratoire pour s’occuper d’un nombre restreint d’élèves, sous la discipline paternelle de Schützenberger. Celui-ci donnait l’exemple d’une présence continuelle à son laboratoire ; une atmosphère de travail et de mutuelle confiance emplissait la maison, créant un milieu propice à la recherche. Curie y fut extrêmement sensible et le disait avec émotion en terminant sa brillante conférence sur le radium, à la Sorbonne, il y a deux ans :

Je désire rappeler ici, disait-il, que nous avons fait toutes nos recherches à l’École de physique et de chimie de la ville de Paris.