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PIERRE CURIE

Ces causeries se poursuivaient aussi en route ou dans le laboratoire, soit à l’École de physique, dans le grand bâtiment de planches à demi détruit par le temps où ils avaient dû, tant bien que mal, abriter leurs traitements de matières radioactives, où elle revêtait la blouse de chimiste, tandis que lui se couvrait chaudement, sensible aux rhumatismes dont le menaçait l’humidité du lieu ; soit dans leur nouveau laboratoire du P. C. N. où ils s’étaient exclusivement installés depuis deux ans et où ils ont à peine eu le temps d’amorcer une nouvelle période de tranquille travail.

Les charges nouvelles imposées par son mariage, auxquelles vinrent ensuite s’ajouter d’autres charges de famille qu’il accepta joyeusement, ne lui permettaient plus de vivre avec ses appointements de chef de travaux, étant donnée son absence complète de ressources personnelles.

Une amélioration légère à sa situation lui vint de la création pour lui, à l’École de physique, du Cours d’électricité générale qu’il conserva pendant huit ans, de 1895 à 1903. Alors qu’en général les physiciens français, prévenus de sa valeur, ne se souciaient pas d’éveiller en lui le concurrent redoutable qu’il eût pu devenir, cette nomination fut due en grande partie à l’influence qu’exerça par l’intermédiaire éclairé de M. Mascart (dont l’appui n’a jamais manqué lorsqu’il fut nécessaire plus tard de trouver des ressources pour les coûteux traitements des minerais de radium), le grand physicien écossais Lord Kelvin. Vivement frappé par la découverte des faits piézo-électriques dont il proposa une interprétation, il avait fait à ce propos connaissance avec les frères Curie, et avait eu diverses occasions d’apprécier la haute valeur de Pierre, entre autres celle-ci qui faisait autant d’honneur à la science du jeune Français qu’à la grandeur d’esprit de l’illustre étranger.

À une séance de la Société de physique, Pierre Curie présentait, sur la construction et le mode d’emploi des condensateurs étalons à anneau de garde, une remarque ingénieuse qui supposait une rare profondeur de connaissances en électrostatique, science peu répandue surtout à cette époque où on lui attribuait