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Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/236

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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

plus du tout quand il y a superposition de courants, et l’on va voir toute la gravité de cette insuffisance.

Les géographes ont admis jusqu’à nos jours qu’un rameau du Gulf-Stream traverse la Manche pour gagner la mer du Nord mais il est difficile de vérifier directement cette hypothèse. La Manche est en effet le siège de courants de marée qui la balaient deux fois par jour dans chaque sens avec une égale vitesse ; ainsi, dans le Pas-de-Calais, les eaux s’en vont vers la mer du Nord pendant six heures et demie avec une vitesse moyenne de 3 nœuds, soit 1 m. 55 par seconde, puis reviennent dans la Manche pendant le même temps, à la même vitesse ; il y a donc là un balancement formidable qui semble agir toujours sur la même masse d’eau et lui laisser indéfiniment la même position moyenne. Mais il se peut aussi que le flot dure un peu plus que le jusant, ou soit un peu plus rapide en moyenne, chose difficile à juger, car la vitesse n’est pas identique, ni le renversement simultané, en tous les points d’une section transversale du détroit. Dans ce cas chaque oscillation laisserait un certain résidu dans la mer du Nord, et l’on aurait ainsi un écoulement réel, quoique intermittent, des eaux de l’Atlantique par la Manche. Des épaves venues de toute la Manche atterrissent fréquemment près du Gris-Nez (Anse à morts) et semblent confirmer l’hypothèse classique ; mais toujours suspecte, nous l’avons dit, la méthode des flotteurs est particulièrement dangereuse dans les mers à courants de marée ; il suffit d’une déviation très faible, pendant leurs oscillations innombrables, pour les faire tomber dans un remous ou un contre-courant et pour fausser complètement leur itinéraire. Il est arrivé que des flotteurs, immergés simultanément au même point, atterrissaient plus tard dans les directions les plus variées[1].

Méthode physico-chimique. — Il est souvent possible de caractériser un courant par des circonstances durables de température, de salinité, de densité[2], qui lui donnent une physio-

  1. Bénard. Les courants de l’Atlantique nord et du golfe de Gascogne. La Géographie, 15 janvier 1905.
  2. La salinité d’une eau est le poids de sel, exprimé en grammes, contenu dans 1000 grammes de cette eau ; elle est naturellement en relation simple avec le poids spécifique. Ce dernier dépassant toujours l’unité de quelques millièmes,