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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

Admettons un moment le cas très simple où les mouvements d’une espèce seraient liés aux variations d’un facteur unique et accessible du complexe océanographique, à la température par exemple ; aussi bien c’est la conception qu’on a le plus souvent admise à priori ; supposons encore qu’il s’agisse d’une espèce sténotherme ; il nous faudra déterminer sa température préférée[1] et chercher ensuite à la mer les points qui présentent cette température ; en un mot, nous aurons à situer une surface isotherme, puis nous y pêcherons exclusivement. Ce sont à peu près les thermes de l’hypothèse fameuse proposée par le Professeur Mohn pour la morue ; dans la région de Lofoten, en hiver, ce poisson lui parut rechercher la température de 5 à 6° ; il conseilla donc de déterminer la profondeur du plan d’eau convenable à l’aide d’un thermomètre à renversement, et l’on incita les pêcheurs à le faire en leur distribuant libéralement les instruments nécessaires. Malheureusement la couche cherchée est assez épaisse et la morue ne s’y répartit pas uniformément ; elle peut même en sortir, étant moins sthénotherme qu’on ne croyait. Bref, les tâtonnements faits au thermomètre sont plus longs, et finalement moins probants que l’exploration faite avec une ligne amorcée ; d’ailleurs ni l’un ni l’autre de ces engins ne fait prendre la morue où il n’y en a pas ; ni l’un ni l’autre en pareil cas, ne nous indique où porter nos efforts. Remarquons en passant que les extensions proposées pour la loi de Mohn sont encore moins légitimes ; en admettant que la morue ait une grande sensibilité thermique, sa température préférée ne sera sans doute pas la même en Islande qu’à Terre-Neuve, et aux Lofoten… qu’au banc d’Arguin. Toute race locale doit posséder à cet égard une adaptation très nette. Mais les espèces sténothermes sont rares partout, et rares surtout dans les eaux à température très variable comme sont précisément les mers tempérées ; ici nous ne trouverons guère que des formes eurythermes c’est-à-dire fort tolérantes pour la température, et c’est encore un effet de l’adaptation[2].

  1. Nous ne savons presque rien sur les températures limites et l’optimum relatifs à chaque espèce. Voir à ce sujet : Pelseneer, Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1905.
  2. Pelseneer, loc. cit., p. 729.