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Les expériences de M. Binet ont été de plusieurs sortes. L’une des séries les plus intéressantes consistait en ceci : M. Binet avait formé un certain nombre de couples dont chacun comprenait deux personnes, dont l’une était manifestement plus intelligente que l’autre. La première était généralement un homme remarquable et éminent dans les sciences, les lettres ou les arts tandis que la seconde était, tantôt une personne cultivée, intelligente, mais n’atteignant pas au génie de la première, tantôt un esprit complètement médiocre. Il est clair que l’on doit s’en rapporter à M. Binet pour ces appréciations. Voici par exemple comment il note quelques-uns de ces couples :

  1. M. Henner, le grand peintre et un petit magistrat de province, homme fort ordinaire, esprit étroit, sans curiosité, sans ambition et sans originalité.
  2. M. Paul Bert, le grand physiologiste et M. X… chef de bureau, esprit vulgaire, grossier, bon enfant astucieux, absolument rien d’intellectuel.
  3. M. Élie Metchnikoff, l’éminent naturaliste et un patron de maison de commerce ; celui-ci, intelligence rudimentaire, a autant d’esprit d’initiative qu’un phonographe.

Les graphologues devaient distinguer dans chaque couple l’homme supérieur de l’homme simplement intelligent ou médiocre. Les résultats n’ont pas été très favorables. Sur un ensemble d’expériences, avec divers graphologues, le pourcentage des réponses justes a été égal à 61 p. 100 alors que le hasard aurait donné 50 p. 100, et cependant certaines erreurs ont été évitées par le fait qu’il se trouvait parmi les écritures certaines écritures de personnes connues dont le nom a été deviné par les graphologues de profession. Ceux-ci ont en effet souvent entre les mains de telles écritures. M. Binet a fait de grands efforts pour éliminer cette cause d’erreur. Il ne semble pas qu’il y ait complètement réussi. Une autre cause d’erreur est le texte même des lettres, M. Binet a cherché à l’éliminer en découpant ou en barrant certains mots particulièrement caractéristiques dans les documents qu’il soumettait aux graphologues. On peut tenter une expérience de contrôle pour se rendre compte de la mesure dans laquelle le texte a pu aider les graphologues. Voici quelques-uns des fragments de lettres reproduits par M. Binet dans son livre ; nous remplaçons par des blancs les mots barrés ou supprimés :

  1. Monsieur, je vous remercie bien de m’avoir envoyé votre . Il faut maintenant que je trouve le temps de le  ; ce sera probablement après la . Je sais que ce n’est pas un  en courant. Agréez l’assurance de ma considération distinguée.
  2. Cher Monsieur Binet, — Vendredi je suis pris. — Voulez-vous samedi matin ou dimanche. — À votre choix. À 9 heures 1/2. — Ayez la complaisance de me faire savoir ce que vous adoptez. Bien cordialement.