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Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/272

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Certains graphologues au contraire sont tombés dans les pièges que leur a tendus M. Binet, ce qui semble indiquer que leur jugement ne reposait pas sur une base bien solide. Aussi sommes-nous tout à fait d’accord avec M. Binet lorsqu’il insiste sur la nécessité de mieux définir les signes graphologiques. Si, en effet, le jugement d’un graphologue est motivé, ce jugement ne pourra pas être modifié suivant les suggestions résultant de pièges tendus. Si donc l’on constate une erreur de jugement, elle sera due certainement à l’une des deux causes suivantes : ou les signes ont été mal observés, ou la signification qu’on leur attribue est inexacte. Il sera d’ailleurs possible, par un examen minutieux du texte, de savoir si l’on se trouve dans le premier cas. On conçoit donc qu’en répétant les expériences, on puisse arriver ainsi au contrôle des signes graphologiques. Mais nous en sommes loin.

Dans une dernière partie, M. Binet étudie les jugements portés par les graphologues sur les caractères et la moralité. Les résultats sont nettement inférieurs à ceux qui sont obtenus pour l’intelligence. Les contradictions sont nombreuses entre les graphologues ; certains d’entre eux font des erreurs très grossières. Le chapitre intitulé « Une galerie d’assassins jugés d’après leur écriture » est particulièrement instructif à cet égard. M. Binet avait constitué une collection de onze couples dont chacun se composait d’un criminel plus ou moins célèbre et d’un honnête homme. Ces honnêtes gens avaient d’ailleurs été choisis de telle manière que le niveau moyen de leur culture fût comparable à celui des criminels. Sans cette précaution indispensable, l’épreuve n’aurait pas eu de sens. Sur les onze couples, M. Crépieux-Jamin a deviné juste huit fois, M. Vie et M. Eloy ont deviné juste six fois seulement ; le hasard aurait fait aussi bien que ces deux derniers experts. Le résultat obtenu par M. Crépieux-Jamin lui-même, quoique meilleur, n’a pas très grande signification, vu le petit nombre des expériences.

On avait préalablement prié M. Crépieux-Jamin de classer les vingt-deux écritures, non présentées par couples, d’après l’ordre de leur moralité. Dans sa classification, il avait distingué quatre groupes. Le premier groupe : moralité supérieure, comprenait une seule personne qui était normale ; le second groupe : moralité moyenne, comprenait trois personnes normales et trois criminels ; le troisième groupe : moralité insuffisante, comprenait cinq personnes normales et un criminel ; enfin le dernier : moralité inférieure, comprenait deux personnes normales et sept criminels.

C’est évidemment un peu mieux que le hasard, mais ce n’est pas