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PIERRE CURIE

Enfin avec son mariage commence une nouvelle et dernière période, la plus célèbre, celle des corps radioactifs, dont je ne pourrai m’occuper ici et qui, pour être traitée de façon suffisante, demandera un article entier.

Les recherches sur les cristaux viennent se grouper presque toutes autour du principe de symétrie dont l’énoncé complet fut donné par Curie assez tardivement, mais qui lui avait servi de guide longtemps auparavant.

À ce propos, et malgré de grandes différences tenant à leur originalité même, il peut être intéressant d’établir un rapprochement entre Curie et un autre esprit de conception claire et de compréhension profonde, celui de M. Lippmann. Même confiance et même habileté dans l’emploi de ces principes généraux de l’énergétique, le principe de l’équivalence et le principe de Carnot, dont la science moderne a tiré tant de choses merveilleuses, et qui représentent jusqu’ici le résultat le plus général comme le plus certain des recherches physiques : axiomes en quelque sorte, lentement conquis, d’une géométrie de la physique, simple de lignes et belle de contours, qui doit séduire les esprits assez souples pour en saisir vite les conséquences lointaines.

Tous deux y ajoutent de manière importante : l’un par l’emploi du principe de conservation de l’électricité qui, joint aux deux autres, fournit, entre les mains de ce maître de la physique déductive, le moyen de prévoir qualitativement et quantitativement de nouveaux phénomènes quand le phénomène inverse est connu. L’autre, Curie, vient apporter un principe nouveau, le principe de symétrie, qui contribue comme ses aînés à limiter le champ des phénomènes possibles, en imposant une condition nécessaire, en permettant d’affirmer une impossibilité et d’économiser par là bien des efforts de recherche.

Les deux principes fondamentaux, équivalence et principe de Carnot, affirment, le premier l’impossibilité d’obtenir pour un certain effort plus ou moins qu’un résultat donné, équivalent sous une forme variable à l’effort dépensé ; le second l’impossibilité pour un système isolé de revenir en arrière, de remonter le cours de la vie, de recommencer son évolution.