NOTES ET DISCUSSIONS
Mon cher collègue,
Je suis très heureux que vous ayez eu l’idée de rechercher par une enquête spéciale si le contenu des écrits pouvait expliquer en tout ou en partie les succès que j’ai attribués à l’étude de l’écriture par les graphologues. Votre enquête est l’extension sur une large échelle, de celle que j’avais moi-même entreprise, et que j’expose dans mon livre (Les Révélations de l’écriture, p. 61). Seulement, l’épreuve m’avait donné des chiffres tout différents des vôtres. La personne à qui j’avais fait juger les couples d’écriture par le contenu des écrits commit 44 p. 100 d’erreurs, tandis que les 41 correspondants qui vous ont prêté leur concours n’en ont commis que 26 p. 100.
Vous êtes et vous avez raison d’être fort satisfait de ce résultat, qui montre combien certaines phrases même d’apparence banale sont révélatrices de la mentalité de l’auteur, de ses occupations et préoccupations. Je suis, à ce sujet, entièrement d’accord avec vous.
Mais pensez-vous que ces faits nouveaux infirment mes conclusions optimistes sur le talent des graphologues ? Croyez-vous qu’on puisse dire nettement, comme vous l’écrivez, que « les résultats obtenus par nos correspondants sont meilleurs que ceux obtenus par les graphologues » et que « les conclusions de M. Binet touchant la possibilité de reconnaître l’intelligence dans l’écriture ne sont pas fondées » ?
Vos appréciations sévères seraient justes si votre contre-épreuve était comparable à l’épreuve à laquelle j’ai soumis les graphologues. Il s’en faut de beaucoup. Voici quelques différences sur lesquelles je crois utile d’insister.
D’abord, quand on s’adresse au grand public on ne sait jamais si, parmi ceux qui répondent, il n’y en a pas qui manquent de sincérité.
- ↑ Voir la Revue du 10 août et du 10 septembre 1906 ; t. II, p. 244 et 366.
