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Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/703

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Seconde objection, beaucoup plus grave. Vous n’avez expérimenté que sur 12 de mes textes. Le travail, beaucoup plus étendu, que j’ai fait faire à mes graphologues a porté sur 72 textes. Il n’est nullement prouvé que le caractère révélateur des 12 textes fût de même valeur que celui des 72. Pour que la contre-épreuve fût probante, il faudrait qu’elle fût pratiquée sur la totalité des textes employés. (Je les tiens à votre disposition.)

Enfin, troisième objection, le pourcentage de solutions exactes que vous avez obtenu de vos 41 correspondants n’est nullement plus fort que celui de mon groupe de graphologues. Au contraire. Si l’on prend la majorité comme donnant la vérité, votre groupe arrive à 83 p. 100 de solutions exactes, tandis que les graphologues en ont atteint 92 p. 100. Je fais bien entendu ce dernier rapprochement sous toutes réserves, car je répète que l’épreuve à laquelle les graphologues étaient soumis était, comme méthode autant que comme étendue, toute différente de celle que vous avez proposée à vos correspondants.

Vous le voyez, mon cher collègue, je ne suis point d’accord avec vous sur des points importants. Mais nous sommes d’accord en tout cas, et c’est l’essentiel, sur la méthode à suivre pour éclaircir ces questions compliquées. C’est la méthode expérimentale qui seule peut répondre, par une contre-épreuve faite sur les 72 textes, au point d’interrogation que vous avez eu l’excellente idée de poser.

Alfred Binet.


À Monsieur Alfred Binet.

Mon cher collègue,

Je m’empresse de reconnaître que votre seconde objection est fort juste en principe ; mon enquête aurait eu plus de valeur si elle avait porté sur 72 textes et non pas sur 12 seulement ; mais il est évident que ç’aurait été abuser de la patience des lecteurs de la Revue et de mes correspondants bénévoles. Je serais très heureux si quelques-uns d’entre eux acceptaient votre proposition et consentaient à examiner les 72 textes que vous mettez si aimablement à notre disposition.

Mais je ne crois pas que cela suffise à ôter toute valeur à l’expérience ici faite et aux conclusions que j’en ai tirées ; j’avais eu surtout pour but de donner une confirmation objective à des remarques qui me paraissaient évidentes, mais qui n’avaient qu’une valeur subjective. Le succès, plus grand que je n’y comptais, de cette expérience, me donne confiance dans les réflexions que j’avais faites et exprimées sous une forme dubitative dans la conclusion de mon premier article (page 250). Je reconnais d’ailleurs que vous avez