Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/704

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parfaitement le droit de différer d’avis avec moi sur ce point ; on peut résumer ainsi la discussion vous avez observé des faits déterminés ils s’expliquent, soit par l’hypothèse que M. Crépieux-Jamin lit l’intelligence dans l’écriture, soit par l’hypothèse qu’il a un sens critique des textes comparable à celui de tel de mes correspondants ; les deux hypothèses sont scientifiquement soutenables toutes deux[1]. Je n’ai pas besoin d’ajouter que mes préférences sont pour la seconde.

Cette manière de poser la question vous fera comprendre que je ne discute pas sur quelques unités de plus ou de moins dans un pourcentage[2] ; tous mes correspondants ne sont pas également habiles, ni tous les graphologues ; il faudrait comparer les plus habiles des uns et des autres ; et si l’avantage restait aux graphologues, de quelques unités, on pourrait encore l’attribuer à plusieurs causes d’erreurs que vous avez signalées avec beaucoup de sagacité dans votre livre et que j’ai rappelées d’après vous. Ce n’est qu’après l’élimination de toutes ces causes parasites que l’on pourra affirmer scientifiquement que le graphisme révèle l’intelligence. Mais le mérite du graphologue est-il moins grand parce qu’il s’aide des faits mis à sa disposition autres que le graphisme ? Tracer un portrait psychologique exact à l’aide d’un billet ou d’une lettre n’est certainement pas donné à tout le monde et celui qui y arrive doit être admiré également, qu’on lui donne le nom de graphologue ou de psychologue.

Je pense que nous serons à peu près d’accord sur les points essentiels ; les légères différences d’appréciation qui subsistent sont sans doute dues à l’opinion personnelle que vous avez pu vous former sur les graphologues que vous avez fréquentés et vus de près ; mais c’est là un élément subjectif qui échappe à toute discussion.

En terminant, je tiens à vous remercier d’avoir, par votre livre, rendu possible cette enquête et, par votre intervention courtoise, d’avoir témoigné de l’importance que vous y attachiez.

Émile Borel.
  1. La formule suivante me paraît plus claire : « 12 textes, pris au hasard sur 72 se sont montrés significatifs comme contenu ; il en résulte un doute au sujet des 60 autres textes et on peut se demander légitimement si ces derniers ne sont pas aussi très significatifs. » Cette formule a l’avantage de fournir une issue directe vers l’expérimentation. En effet, c’est l’expérience seule qui peut nous mettre d’accord. – Alfred Binet.
  2. Je dois cependant préciser ici par des chiffres une observation que j’ai déjà faite en passant (p. 248) : le classement par couples facilite l’expérience : notre enquête était plus difficile que le problème posé aux graphologues. Si l’on propose de déterminer 6 textes sur 12, on a une chance sur 924 de répondre exactement en répondant au hasard : si les 12 textes sont couplés deux par deux et s’il faut en choisir un dans chaque couple, on a une chance sur 64. En fait j’avais indiqué que les no 14 et 15 formaient un couple ; il y avait alors une chance sur 504 de répondre exactement en répondant au hasard. Ce qui précède rectifie partiellement la note 1 au bas de la page 369.