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LA REVUE DU MOIS

pour ma part de meilleure façon de refaire un voyage que de compulser la collection des plantes que j’en ai rapportées ; les plus petits détails, les moindres incidents reprennent à chaque feuillet une netteté saisissante.

Ajoutez à ces petites collections quelques notes et dessins que chaque élève pourra prendre au cours des excursions et je suis convaincu qu’à la fin de l’année non seulement il saura plus de faits, mais il les saura mieux que par les cours et les livres ; ceci n’est déjà pas négligeable ; mais surtout son intelligence et ses yeux se seront assouplis d’heureuse façon ; je ne doute pas qu’ainsi compris l’enseignement ne devienne plus agréable (il n’est peut-être pas indispensable d’être ennuyeux pour instruire), plus productif au point de vue immédiat, et ne développe mieux l’esprit.

Ce dernier point est capital ; je crois que tout le monde est d’accord pour penser que le lycée ne doit pas chercher à assurer une instruction encyclopédique, mais qu’on doit diriger ses efforts pour l’amélioration des diverses facultés naturelles ; qu’importe que le bagage de faits qu’on emporte soit léger (et j’estime qu’il ne serait pas diminué, au contraire, par la méthode que je voudrais voir appliquer) si en sortant on sait travailler. On raconte qu’à l’examen du baccalauréat un candidat aurait répondu à l’examinateur qui lui demandait comment il irait en chemin de fer d’Avignon à Clermont-Ferrand : « Je consulterais l’indicateur » ; il faut avouer qu’en effet c’est la seule méthode ; il faut seulement avoir appris à se servir de l’indicateur. Enseignée sur le terrain, l’histoire naturelle donnerait aux jeunes gens des armes précieuses pour l’observation des phénomènes de tout ordre, ce qui leur sera toujours utile, quoi qu’ils fassent, et elle leur graverait dans l’esprit l’importance que tiennent dans le monde les faits biologiques. Elle leur ferait aussi mieux comprendre qu’on ne le fait généralement, même parmi les personnes les plus cultivées, les beautés de la nature.

Même à ne considérer que ceux qui goûtent le charme des paysages, combien y en a-t-il qui soient à même de sentir, sous les formes qui les impressionnent, les forces qui en chaque point ne cessent d’agir, la résultante de leurs effets constituant préci-