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Page:La Revue française de Prague, année 15, numéros 71-74, 1936.djvu/20

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rures, ses ornements de quatre-sous ! Et quel public l’emplissait ! Un public en or, qui riait, criait, s’épanouissait. Ça faisait une atmosphère chaude et vibrante qui m’enveloppait, qui m’aidait à comprendre, mieux que des discours, l’âme populaire praguoise. Sur la scène, dans des décors simplifiés et peinturlurés brutalement on dansait, on débitait des blagues, en revoyait défiler des fantoches de l’ancien régime. C’était la tradition, dans ce qu’elle a de nécessaire, de profond et de vivace.

Que je retrouvai, une fois encore, lors d’une soirée dans une « cave ». Ce n’est pas moi qui en ferais la description à des Praguois, de la dite cave. Je leur confierai quel fut mon étonnement.

Il y avait là un orchestre morave, et, tandis qu’avec quelques compagnons nous buvions à lentes gorgées un vin blanc léger, les musiciens jouaient des airs populaires. Sur les dix heures, des voix commencèrent à s’élever, bientôt la salle entière fut pleine de cette musique, c’était comme une âme qu’elle se donnait. J’écoutais. Je me disais que cela n’avait aucun pittoresque ; que ce décor ne rappelait en rien celui de nos boîtes montmartroises. Chez ces gens, on devinait un obscur besoin de poésie – la leur, celle de l’Europe Centrale, précisons – un désir de rêve et d’affranchissement, et encore (tous avaient quelques proches ancêtres paysans) un retour vers un cher passé. Je cherchais dans mes souvenirs, je n’y trouvais rien qui rappelât pareil spectacle.

Comme on voit, je ne donne là que des notes rapides. Mais que puis-je livrer de moi qui soit plus pur ?

Il m’arriva une fois de ne visiter une ville que de nuit. J’y débarquai au crépuscule et en repartis le surlendemain, très tôt (après une longue journée d’excursion dans la campagne slovaque).

Cette ville, c’était Košice. J’y étais attendu. À peine m’y trouvais-je qu’un homme vint à ma rencontre et me demanda ce que je désirais connaître de sa ville. « Ses faubourgs, répondis-je. Et puisque c’est samedi, les plaisirs du samedi dans les faubourgs. »