Page:La Revue hebdomadaire, Septembre 1921.djvu/39

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hongrois, un autre est ministre, les autres sont des jeunes gens pleins d’avenir. Les dames ont parmi eux des maris et des amants dévoués, connus ; mais tu sais que les amants passent en général à l’état de maris, c’est-à-dire ne comptent plus comme individualité masculine. Cette remarque est très forte, songes-y bien.

« Ton ami se trouve donc seul d’homme dans cette société à bien juger sa position ; la maîtresse de la maison mise à part (cela doit être), ton ami a donc des chances de fixer l’attention des deux dames qui restent, et même il a peu de mérite à cela par les raisons que je viens d’expliquer.

« Ton ami a dîné confortablement ; il a bu des vins de France et de Hongrie, pris du café et de la liqueur, il est bien mis, son linge d’une finesse exquise, ses cheveux sont soyeux et frisés très légèrement. Ton ami fait du paradoxe, ce qui est usé depuis dix ans chez nous, et ce qui est ici tout neuf. Les seigneurs étrangers ne sont pas de force à lutter sur ce bon terrain que nous avons tant remué. Ton ami flamboie et pétille ; on le touche, il est tout en feu.

« Voilà un homme bien posé ; il plaît prodigieusement aux dames[1] ; les hommes sont très charmés aussi. Les gens de ce pays sont si bons. Ton ami passe donc pour un causeur agréable. On se plaint qu’il parle peu ; mais, quand il s’échauffe, il est très bien !

« Je te dirai que, des deux dames, il en est une qui me plaît beaucoup, et l’autre beaucoup aussi. Toutefois l’Anglaise a un petit parler si doux, elle est si bien assise dans son fauteuil ; de beaux cheveux blonds à reflets rouges, la peau si blanche, de la soie, de la ouate et des tulles, des perles et des opales ; on ne sait pas trop ce qu’il y a au milieu de tout cela, mais c’est si bien arrangé !

  1. Nous disons encore les dames, quoiqu’il soit de bon ton, dans le monde, de dire les femmes. (Note de l’auteur.)