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CHRONIQUES



LA VIE LITTÉRAIRE



L’ENNEMIE INTIME, par Marcelle Tinayre[1].


Après une période de recueillement — quatre années, je crois ! — Mme Marcelle Tinayre vient de publier un roman qui est un roman noir : l’Ennemie intime. On sait que la tonalité la plus sombre règne dans les livres à la mode. Les femmes mêmes n’hésitent pas à s’aventurer dans les domaines sataniques, comme le prouve avec éclat Mme Marguerite Jouve, dont le jury Minerva a couronné Nocturne et le Maléfice.

Avec l’Ennemie intime, nous ne pénétrons pas dans le royaume démoniaque, qui sent le soufre, la sorcellerie, et où les nuits se peuplent de ballets macabres. Si cette jeune et originale romancière, Marguerite Jouve, est une fille spirituelle d’Hoffmann et de Baudelaire, Mme Tinayre se rattache tout naturellement à nos peintres de mœurs et de caractères. Son nouveau roman se développe sur le rythme classique. C’est une tragédie bourgeoise. Dans une petite ville de province vit un entrepreneur enrichi, M. Capdenat. Il est bien le fils de cette région rude, Le Rouergue, où les caractères sont durs et les volontés obstinées. C’est un tyran. Il a fait à moitié l’étape, et comptait sur la politique pour apaiser son appétit de domination. En pleine campagne électorale, une congestion le terrasse un soir ; on le saigne, on le sauve, mais sa vie active est finie. Quelque temps après, une nouvelle attaque le laisse à demi paralysé, le pied lourd et la jambe raide ; quant à son humeur, jamais on n’en

  1. Ernest Flammarion, éditeur.