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Page:La Revue mondiale - 15 août 1928 (extrait L’Éternel Masculin).djvu/1

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L’Éternel Masculin

Conte

Ravissante autant que sa robe loqueteuse et du dernier cri, la toute jeune Mme Gertrude, traversant en coup de vent la salle à manger et le salon, s’arrêta net au seuil du boudoir de son amie Gina. Qu’a donc cette grande fille à rester là comme figée sur sa chaise ?

— C’est moi, s’écria la jeune femme. Tu ne m’attendais pas ?

— Mais non, fit l’autre, un peu étonnée. Elle était longue, svelte et pâle, les yeux sérieux, la bouche mince, un brin de moquerie mal dissimulé au coin des lèvres. Je te voyais courir la campagne avec ton Gustave.

— Jamais de la vie. Mon Gustave reste bel et bien figé dans son bureau, enfoncé jusqu’au cou dans ses vieilles paperasses. Pas moyen de l’en sortir. Il est insupportable. C’est à ne plus y tenir.

La jeune fille eut un sourire : — Vraiment ? Et pas plus tard que la semaine dernière tu te prétendais la plus heureuse des femmes. Tu te dis faite pour le mariage et trouve quand même le moyen d’embrouiller les choses en te fâchant avec tous tes maris.

Mme Gertrude se laissa tomber dans une bergère : — Tous mes maris… Tu y vas toi… Il n’y a que Oscar et Gustave autant que je sache… À t’entendre on dirait que j’ai été mariée une dizaine de fois.

— En effet, deux cela doit être suffisant.

— C’est même trop. Au fond, on ne se marie qu’une fois, tout le reste est de la blague… Est-ce que tu le vois toujours ?

— Qui donc ? fit Gina, le visage impassiblement fermé.

— Mais Oscar… mon mari.

La jeune fille parut un peu décontenancée :

— Sincèrement, Gertrude, tu devrais t’habituer à le dési-