Page:La Revue mondiale - 15 août 1928 (extrait L’Éternel Masculin).djvu/2

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gner autrement, il me semble. Voilà deux ans que vous êtes divorcés et près d’un an que tu es remariée de la façon la plus heureuse comme tu le laisses croire, du moins quand tu es bien lunée.

— Bien lunée ou pas, ça n’a rien à faire avec ce que nous disions… Ainsi, de temps en temps, il vient te voir… Et de quoi parlez-vous ?

— Mais… de toi… Il t’a aimée et sous beaucoup d’aspects tu lui es restée une énigme.

— Pauvre Oscar, l’éternel féminin l’occupe donc toujours ? Et tu le trouves toujours éloquent ?… Oui ?… Quel dommage de ne pas être là à vous entendre. Il n’y a pas à dire, ça lui a fait du bien d’être resté en voyage pendant quelques mois… pas trop longtemps…

— Mais assez pour te permettre de te remarier en paix…

— En paix ? Tu crois que ça se fait en paix toi ? Mais quand je te dis que c’est tout le contraire… Au fait, je m’étonne d’être passée par deux mariages et un divorce et d’être toujours de ce monde.

— Il n’y a que le premier pas qui coûte.

— Qu’en sais-tu toi ? fit la jeune femme en étendant la main pour saisir un bouquet de roses devant lequel elle était en admiration :

— Ma petite, je suis venue chez toi afin d’avoir un peu de trève… Ici on respire le calme… On dirait que l’air est chimiquement purifié de tout ce qui s’appelle l’homme. Comme je t’envie… Tu es toi… je ne dis pas tout à fait sans vibration sexuelle mais presque.

— Merci.

— Il n’y a rien de mal à cela, au contraire. Vivre dans la tranquillité neutre c’est ce qu’il y a de plus heureux pour une femme. Le monde est plein de troubles… ah ! si tu savais… Des fois, je me défie de tout sous le soleil sans faire exception de moi-même, je te prie de le croire, mais de toi, jamais. Tu es calme comme la Mer Morte pour ce qui nous touche nous autres. Tu regardes couler la vie sans en faire plus ample connaissance et tu as bien raison après tout. Mais ce qui m’étonne et me charme c’est que tu as assez de perspicacité féminine pour me comprendre par exemple… Et ce n’est pas peu de chose.

— En effet.

— Tu te moques de moi, ma petite Gina, dit Gertrude en