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Page:La Revue mondiale - 15 août 1928 (extrait L’Éternel Masculin).djvu/4

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— Mais il se dirigeait probablement chez quelqu’un qui l’attendait.

Les deux amies s’étaient levées et Gertrude s’approcha de la jeune fille :

— C’est-à-dire qu’il venait te voir. Ne me cache rien, Gina.

— Je n’ai rien à te cacher… Comme je te le disais, il vient de temps en temps…

— Pour parler de moi, n’est-ce pas ?

— Oui… Me sachant ton amie, il avait cette habitude, surtout au commencement. Vois-tu… les hommes…

— Mais c’est le comble, s’écria Gertrude. Maintenant c’est elle qui me renseigne à leur sujet… Ça ne te va pas, tu sais. On est de son sexe où on ne l’est pas.

— C’est possible, balbutia l’autre. M’avais-tu assez seriné que je manquais absolument de tempérament. J’avais fini par me l’imaginer et lui aussi.

— Lui ? Qui ?

— Mais… ton premier mari… Oh ! Gertrude, il ne faut pas m’en vouloir… Nous avons tant parlé de toi que tu as tout transformé, moi comme le reste… Et je l’attendais tout à l’heure quand tu es arrivée.

— Tu attendais mon ancien mari et c’est pour ça que tu m’as si mal reçue ?

— Mal… Peut-on dire… Je t’expliquerai tout, c’est sérieux pas décidé… pas encore…

— Et maintenant c’est fait ? ricana la jeune femme en se dirigeant vers la porte. Toutes mes félicitations, les amoureux !

— Gertrude, mais Gertrude, n’oublie pas que c’est toi qui nous a rapprochés… en paroles du moins… Si Oscar a fini par s’attacher à moi, c’est à cause de toi.

Mme Gertrude se retourna sur le seuil, un éclair jaillissant des yeux :

— Voilà ce qu’elle a le toupet de me dire… C’est exquis tout simplement… Et je vous donne ma bénédiction, mais à cette condition que je ne vous voie pas, que nous ne me voyez pas et que jamais, au grand jamais, je ne fasse plus les frais de la conversation entre vous deux… Tu auras assez à te débrouiller toute seule avec, je le connais, va…

Jane Gernandt-Claine