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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/107

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blirent dans la suite. Le marquis fut le premier à changer de mets. Son épouse s’en aperçut, elle fit tout ce qu’elle put pour le guérir de sa nouvelle passion ; mais quand elle le vit insensible à ses plaintes et à ses pleurs, elle prit la résolution que la nature elle-même dicte en pareil cas, c’est-à-dire, payer de la même monnaie.

Parmi les jeunes chevaliers qui fréquentaient la maison, elle en distingua un qui était vraiment un objet digne de ses affections. Les yeux furent les premiers interprètes des sentiments de son cœur ; il ne fut pas sourd à leur langage éloquent, et on n’attendait que l’occasion favorable pour redoubler leur attachement mutuel. Cette occasion ne tarda pas à se présenter, et la jeune épouse, sans expérience, et par conséquent imprudente, écrivit quelques lignes à son amant, appela un de ses domestiques et lui dit :

« — Je te prie de te charger de ce billet, et voilà deux louis pour ta peine. »

Ce coquin lui promet d’agir avec discrétion, et sort : mais quelques minutes après il rentre, et prenant le ton d’un déclamateur, il parle :

« — Madame, je vous félicite de ce que vous voulez, comme tant d’autres, arborer l’étendard de la philosophie, à savoir, celui de l’humanité. Ah ! que c’était bien dommage que l’hymen, ce lien si triste et si horrible, eût attaché vos charmes et vos sentiments à un seul objet ! Aimer un homme jusqu’à la mort, et n’aimer que lui