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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/121

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des brutes, que de vouloir nous amuser, comme elles, sans aucun frein, sans aucune modération ?

MARTHE

Mais ne serait-ce pas rendre l’homme infiniment inférieur aux animaux, que de vouloir le dépouiller d’un privilège dont ils jouissent en pleine liberté ? Si vous voyiez, dans une grande monarchie, tous les sujets livrés, sans contrainte, aux divertissements les plus charmants, aux plaisirs les plus doux, et leur roi, presque prisonnier dans son palais, ne goûter que quelques amusements insipides, jamais variés ; quel jugement porteriez-vous sur cette nation ? Vous diriez sans doute que la raison ne règne point dans ce pays-là, que le roi est un imbécile, ou que les sujets sont infiniment plus heureux que leur maître. L’homme est le chef-d’œuvre de la création, le roi des animaux ; ceux-ci sont ses sujets : faites-en l’application, elle est très juste.

ANGÉLIQUE

Mais j’ai entendu dire quelquefois que plus on fait de raisonnements, plus on affaiblit l’usage de la raison ; que notre raison est fort bornée, que sa lumière est souvent incertaine, que nous devons plutôt écouter la voix de la conscience, de ce tribunal irréprochable, de ce juge intègre, de ce conseiller infaillible, qui nous reproche et nous condamne d’avance lorsque nous faisons le mal.

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