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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/156

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J’aime, je souhaite, je crains, j’espère, je chante, j’attends… Dieu ! mille diverses affections combattent tour à tour mon pauvre cœur.

MARTHE

De grâce, mademoiselle, efforcez-vous de reprendre votre air accoutumé. Je vous annonce une bonne nouvelle : c’est aujourd’hui que vous allez goûter tout le bonheur imaginable. Votre jeune militaire va venir ; voulez-vous qu’il vous trouve dans une situation si pitoyable ?

ANGÉLIQUE

Ah ! c’est lui, c’est lui-même qui me met dans cet état.

MARTHE

Expliquez-vous, je vous prie, j’ai de la peine à vous comprendre.

ANGÉLIQUE

Cette nuit, à peine le sommeil s’était-il emparé de mes sens, qu’un songe agréable m’a placée près de mon bienfaiteur. Je rêve qu’il frappe à ma porte, et qu’au lieu de lui dire : Entrez, je lui réponds : Ouvrez-moi. Il m’ouvre, en effet. Il me semble que j’ai un peu à endurer, mais qu’à cette peine succèdent aussitôt des douceurs inexprimables. Tous mes sens agités m’ont réveillée, et mon réveil a dissipé cette image charmante… Je crains que ce songe enchanteur ne se réalise… Si l’illusion est si belle, que sera la réalité ? Je vous avoue qu’enivrée du plaisir