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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/160

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chez elle mon front tout trempé de sueur et hors d’haleine.

Hier, je lui tins ce discours :

— Ah ! monsieur, que d’obligations vous allez m’avoir ! Je viens de faire à mademoiselle Angélique, le tableau le plus animé de votre situation. Je lui ai dit qu’une langueur affreuse vous dévore ; qu’une triste mélancolie est peinte sur vos traits ; que vous êtes mal ; que si vous ne pouvez posséder son cœur, rien ne vous attache plus à la vie ; que vous êtes au désespoir, et que la mort sera votre recours. À ces mots, j’ai vu mademoiselle s’attendrir, soupirer, jeter quelques larmes, enfin s’écrier :

« — Qu’il vienne, je tâcherai de faire son bonheur, pourvu qu’il me rende heureuse ! »

ANGÉLIQUE

Vous possédez, au plus haut degré, l’art de mentir impunément.

MARTHE

Dites plutôt, l’art de persuader évidemment… À cette nouvelle, le jeune comte fut transporté d’une douce joie que son cœur ne pouvait contenir. Il m’accabla de caresses…

ANGÉLIQUE

Et de présents aussi ; car il me paraît fort généreux.

MARTHE

Non pas, mademoiselle ; il arrive rarement qu’on anticipe avec moi les récompenses. Il est