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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/159

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Ou il faut, toute la vie, renoncer aux hommes, ou il faut les attraper par ces artifices ; voilà en quoi consiste notre rhétorique. Car, ceux au moins qui pensent et qui raisonnent, s’ils s’aperçoivent que nous ne les aimons que pour notre plaisir, que pour notre intérêt, et que nous louons notre petit cabinet à tout venant, ils changent tout à coup l’amour en mépris et en haine.

À l’égard du jeune militaire, c’est moi qui ai fait, à votre insu, ce que vous auriez dû faire. Il s’est rendu presque tous les jours chez moi pour apprendre de vos nouvelles. Je le voyais dans la plus grande impatience de gagner la place, et d’y entrer victorieux ; mais je lui ai parlé toujours de la sorte :

— Monsieur, vous êtes assez sage pour ne pas prétendre l’emporter d’assaut. C’est une forteresse Presque inattaquable. Il m’a fallu imaginer et employer les ruses les plus fines pour lui faire prendre votre argent. Toutes les fois que je lui parle d’intrigues amoureuses, elle pâlit, elle tremble, elle pleure et ne parle que de mariage ; à cette seule condition, il me paraît qu’elle a quelques dispositions à se rendre ; encore n’oserai-je pas vous en assurer. Je lui ai donné plusieurs leçons ; mais au lieu de m’écouter, elle ne fait que me presser d’une infinité d’objections que j’ai toutes les peines du monde à résoudre. Je vous assure, monsieur, que je sors toujours de