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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/186

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ANGÉLIQUE

Avec plaisir, ma bonne. J’imagine que c’est une de vos élèves.

MARTHE

Si vous le voulez, mademoiselle. Notre ville est assez grande. Cette fille a fait courir le bruit qu’elle a une sœur et deux cousines, mais que trouvant leur caractère fort opposé au sien, il ne lui est pas possible de vivre avec elles. Elle a à sa disposition quatre petits appartements aux quatre coins de la ville. Sous différents prétextes, elle s’éclipse souvent et passe d’un quartier à l’autre ; elle change de nom, de coiffure, d’habillement, de voix, et a l’art surprenant, à l’aide d’une toilette bien étudiée, de changer de figure. Elle a mille pratiques, elle gagne et ramasse immensément.

Quelques-uns qui ont joui d’elle dans un quartier, — voyez si les hommes sont constants — et qui en jouissent dans un autre, croient la reconnaître : mais elle, pour se moquer d’eux au fond de son cœur, sait si bien varier de manières, qu’ils avouent leur erreur, et se persuadent avoir eu affaire avec sa sœur, ou avec une de ses cousines.

Excédée de la continuité de ses pratiques journalières, l’idée d’autres plaisirs s’offre à son esprit : elle se rend à l’église, elle s’humilie devant un jeune prêtre, pleure, ou fait semblant de pleurer, se déclare la plus grande pécheresse