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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/34

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ANGÉLIQUE

Je l’ignore ; mais qu’il soit sorti ou non, cela ne nous fait rien… entrez… asseyez-vous.

MARTHE

Si votre père nous surprend ensemble, vous croyez donc…

ANGÉLIQUE

Il sait déjà que vous êtes venue ici et il n’en est point fâché… Ah ! vous froncez le sourcil d’étonnement ? Écoutez-moi, s’il vous plaît. Vous ne fûtes pas plutôt sortie de chez moi, qu’adieu le travail ; je pris votre livre, et je le parcourais rapidement. J’étais attachée avec tant d’avidité à la lecture de ce nouveau traité de morale, que je n’entendis point mon père lorsqu’il entra. Il était même dans mon cabinet, à côté de moi, et je continuais à lire sans l’apercevoir…

— Bon ! bon ! s’écria-t-il…

À ces mots, je tressaillis de peur, le livre me tomba des mains, une pâleur mortelle couvrit mes joues, je me jetai à ses pieds toute tremblante, et je m’attendais au moins aux reproches les plus sévères.

— Lève-toi, me dit-il d’une voix tranquille, tu ne connais pas bien mon cœur : j’aime à voir que tu te prêtes enfin à la lecture de cette sorte d’auteurs. Voici les livres qui dégourdissent l’esprit, qui le forment, qui le cultivent, qui le perfectionnent ; tu commenceras, sans doute,