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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/35

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à te façonner, à te polir pour le commerce du monde.

— Ah ! mon père, accablez-moi plutôt des reproches les plus durs ; punissez-moi, si je vous déplais ; car vos louanges renferment une ironie trop sanglante.

— Point du tout, ma fille, — et, en disant cela, il me serra dans ses bras avec la plus grande tendresse, — l’exemple que ta mère te donna ne saurait jamais diriger tes pas dans le monde ; toutes ses vues, et tu n’ignores pas que j’en témoigne de temps en temps mon indignation, toutes ses vues, dis-je, ne tendaient qu’à te rendre ennemie de la société, qu’à t’inspirer le désir insensé d’être toute ta vie emprisonnée dans un couvent. Que dirait-elle, si elle vivait encore, en voyant que nous allons abolir ces retraites de la fainéantise et du désespoir ? Elle s’écrierait, sans doute : « Voilà comme l’on défend la religion en France ! » Pour moi, je me réjouis de pouvoir donner une bonne citoyenne à l’État ; il n’y a que ces livres qui puissent dissiper les préjugés impérieux et effacer les dangereuses impressions d’une mauvaise éducation. L’homme est fait pour vivre heureux, la femme est faite pour le rendre tel, voilà l’ordre de la nature : une fausse dévotion nourrie par la lecture des livres qui ne sentent que le monachisme, ne sert, sous le masque de la vertu, qu’à nous rendre bourrus, chagrins, misan-