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Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/63

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qu’est-ce que j’y aurais appris ? À faire des poupées, à chanter du latin inintelligible et à manier l’aiguille. Par bonheur, mon père n’était pas bien riche, mais ma mère était jolie, humaine ; et quoique d’un âge mûr, elle était encore fraîche comme dans son printemps. Un nouveau Tartufe, c’est-à-dire un jeune et joli abbé venait presque tous les jours cueillir la rose dans son jardin : il s’offrit à mon père pour présider gratis à mon éducation. Mon père me dit :

— Que tu es heureuse, ma fille, de trouver un si excellent guide pour diriger tes premiers pas dans le monde ; il veut te cultiver, sois lui bien soumise, et n’étouffe pas les germes précieux qu’il sèmera dans ton cœur.

Ma mère fut toujours présente à mes premières leçons ; mon maître bouda, cessa de venir, et je ne comprenais pas pourquoi ; enfin le voilà de retour, nous voilà tête à tête à nos leçons. Il m’enseigna d’abord la géographie, et il m’écrivait lui-même les plus belles réflexions physiques et morales sur les différents usages et les religions de chaque pays, dont nous parlions de jour en jour. Ces réflexions si touchantes me pénétraient tellement, qu’en peu de temps je fus l’écolière la plus soumise qu’on puisse imaginer.

Ces réflexions me sont restées, je les ai apprises par cœur, je les ai répétées mille fois et toujours avec succès ; voilà d’où vient que je parais fort instruite et savante.