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RÉFLEXIONS DIVERSES

à savoir parler à propos[1], il n’y en a pas moins à savoir se taire. Il y a un silence éloquent[2] : il sert quelquefois à approuver et à condamner ; il y a un silence moqueur ; il y a un silence respectueux ; il y a enfin des airs, des tons et des manières[3] qui font souvent ce qu’il y a d’agréable ou de désagréable[4], de délicat ou de choquant dans la conversation ; le secret de s’en bien servir est donné à peu de personnes ; ceux mêmes qui en font des règles s’y méprennent quelquefois ; la plus sûre, à mon avis, c’est de n’en point avoir qu’on ne puisse changer, de laisser plutôt voir des négligences dans ce qu’on dit que de l’affectation, d’écouter, de ne parler guère, et de ne se forcer jamais à parler[5].

V. — de la confiance.

Bien que la sincérité et la confiance aient du rapport, elles sont néanmoins différentes en plusieurs choses : la

  1. La version de 1731 omet ici à propos, et le verbe savoir aux deux endroits où il se trouve dans cette ligne.
  2. Meré (maxime 423) : « Il y a une éloquence dans le silence, qui a quelquefois plus de force que l’éloquence des plus excellents orateurs. »
  3. « Il y a des airs, des tours et des manières. » (Édition de 1731.)
  4. Voyez la maxime 255, et la 3e des Réflexions diverses.
  5. « Il y a un silence éloquent qui sert à approuver et à condamner ; il y a un silence de discrétion et de respect ; il y a enfin des tons, des airs et des manières qui font tout ce qu’il y a d’agréable ou de désagréable, de délicat ou de choquant dans la conversation ; mais le secret de s’en bien servir est donné à peu de personnes ; ceux mêmes qui en font des règles s’y méprennent souvent, et la plus sûre qu’on en puisse donner, c’est écouter beaucoup, parler peu, et ne rien dire dont on puisse avoir sujet de se repentir. » (Édition de Brotier.) — Nous aurions voulu rapprocher de cette remarquable Réflexion de la Rochefoucauld les idées fort voisines de Charron et de la Bruyère