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RÉFLEXIONS DIVERSES

sincérité est une ouverture de cœur[1], qui nous montre tels que nous sommes ; c’est un amour de la vérité, une répugnance à se déguiser, un désir de se dédommager de ses défauts, et de les diminuer même par le mérite de les avouer[2]. La confiance ne nous laisse pas tant de liberté ; ses règles sont plus étroites ; elle demande plus de prudence et de retenue, et nous ne sommes pas toujours libres d’en disposer ; il ne s’agit pas de nous uniquement, et nos intérêts sont mêlés d’ordinaire avec les intérêts des autres. Elle a besoin d’une grande justesse pour ne livrer pas[3] nos amis en nous livrant nous-mêmes, et pour ne faire pas des présents de leur bien, dans la vue d’augmenter le prix de ce que nous donnons,

La confiance plaît toujours à celui qui la reçoit : c’est un tribut que nous payons à son mérite ; c’est un dépôt que l’on commet à sa foi[4] ; ce sont des gages qui lui don-

    sur le même sujet ; mais les citations à faire seraient trop longues, il faut nous contenter de renvoyer le lecteur au livre II, chapitre IX, de la Sagesse, intitulé Se bien comporter avec aultruy, et au chapitre des Caractères intitulé de la Société et de la Conversation.

  1. Rapprochez de la maxime 62.
  2. Voyez les maximes 184, 327, 383, 609, 641, et plus haut, p. 9, le Portrait de la Rochefoucauld fait par lui-même.
  3. Les éditions antérieures ont, ici et à la ligne suivante, changé la construction, et donnent : « ne pas livrer,… ne pas faire. »
  4. Voyez la maxime 239. — À propos de cette maxime nous avons cité en note (voyez ci-dessus, p. 128) une réflexion de J. Esprit, abondant tout à fait dans le sens de la Rochefoucauld ; voici un autre passage du même auteur (tome I, p. 182), où, sans nommer la Rochefoucauld, il le met directement en cause : « La nécessité est la cause visible des grandes confiances dont ceux à qui l’on se fie se sentent si honorés. Ainsi c’est avec bien peu de sujet qu’un homme se tient heureux et se vante de ce qu’une princesse, qui étoit sur le point d’être arrêtée, s’est réfugiée en sa maison de campagne, et lui a confié sa vie et sa liberté, et de ce que, sortant du Royaume, elle lui a donné en garde ses pierreries, puisqu’il est clair qu’en tout