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SUR LA ROCHEFOUCAULD

de brûler ses papiers, si cela lui pouvoit faire de l’embarras en l’autre monde ; mais je crois que celui-ci a perdu d’aimables amusements. » Le jour même de la mort, le dimanche 17, Mme de Sévigné écrit à sa fille, la tête toute « pleine de ce malheur et de l’extrême affliction » de Mme de la Fayette ; elle lui raconte comment le duc, la veille encore, semblait revenir à la santé, si bien que chacun autour de lui « chantoit victoire ; » tout à coup le mal avait redoublé ; l’oppression et les rêveries, c’est-à-dire le délire, l’avaient saisi, et il était mort étranglé « traîtreusement » par la goutte, en quatre ou cinq heures, « dans cette chaise que vous connoissez. » Avec quelle éloquence du cœur la marquise, dans cette même lettre, parle de « l’horreur des séparations » ! M. de Marcillac, dit-elle, est bien triste, « mais il retrouvera le Roi et la cour ; toute sa famille se retrouvera en sa place ; mais où Mme de la Fayette retrouvera-t-elle un tel ami ?… Elle est infirme, elle est toujours dans sa chambre, elle ne court point les rues ; M. de la Rochefoucauld étoit sédentaire aussi : cet état les rendoit nécessaires l’un à l’autre ; rien ne pouvoit être comparé à la confiance et aux charmes de leur amitié[1]. » Le 20 mars, jour où l’on transporta le corps du duc à Verteuil, Mme de Sévigné reprend sa lettre inachevée : « Il est enfin mercredi, écrit-elle. M. de la Rochefoucauld est toujours mort, et M. de Marcillac toujours affligé… La petite santé de Mme de la Fayette soutien mal une telle douleur[2]. » Le 22, on lit encore dans une lettre de la marquise : « M. de Marcillac est affligé outre mesure ; son pauvre père est sur le chemin de Verteuil fort tristement[3]. » Le 26 : « Jamais homme n’a été si bien pleuré[4]. » Trois mois après, cette grande plaie se cicatrise : « On serre les files, il n’y paroît plus[5]. » Il y avait cependant au monde une personne pour laquelle la résignation était moins facile : c’était Mme de la Fayette ; elle ne savait plus que faire d’elle-même[6] ; la vue seule de l’écriture de son ami la faisait pleurer[7] : le

  1. Voyez tome VI, p. 311-313.
  2. Ibidem, p. 315.
  3. Ibidem, p. 324.
  4. Ibidem, p. 328.
  5. Lettre du 5 juin 1680, ibidem, p. 439.
  6. Lettre du 3 avril 1680, ibidem, p. 338.
  7. Lettre du 12 avril 1G80, ibidem, p. 334.