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NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR LA ROCHEFOUCAULD

La vie du duc de la Rochefoucauld se divise en deux périodes bien distinctes. Dans la première, le futur auteur des Maximes, méconnaissant ses facultés, et prenant, pour ainsi dire, au rebours sa fortune, se range au parti de ces mécontents qui, après avoir conspiré contre Richelieu, s’arment en guerre contre Mazarin. Esprit critique et spéculatif, fourvoyé dans l’action, il subit toutes sortes de mécomptes, et, sur cette scène bruyante, où il aspire vainement à tenir le grand rôle, ses qualités ne lui nuisent pas moins que ses défauts. À ces stériles orages de la jeunesse succèdent utilement chez la Rochefoucauld ce qu’on peut, d’un mot de Montaigne, appeler les ravisements de l’âge mûr. Revenu ou, si l’on aime mieux, déchu des passions et de la politique, il se repose, se calme peu à peu dans la paisible atmosphère des salons et dans une douce intimité ; par manière de passe-temps et, tout d’abord, sans le dessein prémédité de faire un livre, il compose une suite de maximes où, visant à nous peindre tous d’après lui-même, il a fois à la fois l’aveu et la revanche de ses déceptions ; si bien que cette gloire qu’il a poursuivie, sans l’atteindre, par les sentiers de l’intrigue et le grand chemin des aventures, il la rencontre au bout de sa plume, sans quitter sa chaise de goutteux : tant il est vrai que les hommes le mieux doués ne se démêlent souvent que fort tard, ne se résignent à être eux-mêmes que par une sorte de pis-aller, et que, s’ils passent à la postérité, ce n’est pas toujours sous le personnage qu’ils avaient d’abord souhaité de faire dans l’histoire !La Rochefoucauld, I