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RÉFLEXIONS MORALES

flatte pas assez. Il y a apparence que l’intention du peintre n’a jamais été de faire paroître cet ouvrage, et qu’il seroit encore renfermé dans son cabinet, si une méchante copie qui en a couru, et qui a passé même, depuis quelque temps, en Hollande[1], n’avoit obligé un de ses amis de m’en donner une autre, qu’il dit être tout à fait conforme à l’original ; mais toute correcte qu’elle est, possible n’évitera-t-elle pas la censure de certaines personnes qui ne peuvent souffrir que l’on se mêle de pénétrer dans le fond de leur cœur, et qui croient être en droit d’empêcher que les autres les connoissent, parce qu’elles ne veulent pas se connoître elles-mêmes[2]. Il est vrai que, comme ces Maximes sont remplies de ces sortes de vérités dont l’orgueil humain ne se peut accommoder, il est presque impossible qu’il ne se soulève contre elles, et qu’elles ne s’attirent des censeurs[3]. Aussi, est-ce pour eux que je mets ici une Lettre[4] que l’on m’a donnée, qui a été faite depuis que le manuscrit a paru[5],

  1. L’histoire de cette copie infidèle n’a jamais pu être éclaircie, et il y a tout lieu de croire que c’était un simple prétexte dont un grand seigneur comme la Rochefoucauld avait besoin pour donner au public un livre même anonyme. Si une copie avait couru jusqu’en Hollande, on n’eût pas manqué de l’y imprimer immédiatement, comme on s’était hâté de faire, en 1662, pour les Mémoires de notre auteur ; or il ne reste pas trace d’une édition hollandaise antérieure à la première édition française.
  2. Voyez la maxime 119.
  3. Voyez, à l’Appendice de ce volume, les Jugements des contemporains sur les Maximes.
  4. C’est le Discours faussement attribué, selon nous, à Sergrais. Voyez la notice de ce Discours à l’Appendice de ce volume.
  5. C’est-à-dire depuis que le manuscrit a été communiqué à diverses personnes. Voyez la Notice biographique.