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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/28

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NOTICE BIOGRAPHIQUE

avait de soudaines échappées de langue, comme il arrive souvent aux jeunes gens, qui ne cessent d’être trop timides que pour devenir trop hardis. Il parla, au retour, des fautes militaires commises en Flandre, avec une liberté qui déplut à Richelieu, et il enveloppa dans sa disgrâce plus d’un de ses camarades, compromis par ses propos. Il prétend toutefois dans ses Mémoires[1] que la vraie cause de cette disgrâce fut la jalousie du Roi et « le plaisir qu’il sentit de faire dépit à la Reine et à Mlle de Hautefort en l’éloignant » d’elles : toujours est-il qu’il reçut l’ordre de rejoindre son père dans ses maisons. Il n’en sortit que pour retourner à l’armée, sans s’arrêter à Paris ou du moins sans séjourner à la cour.

L’événement le plus grave pour lui qui marqua ce temps d’exil, d’éloignement de la cour, ce fut la liaison qu’il forma avec la belle duchesse de Ghevreuse, alors reléguée à Tours[2], et qui, nous dit-il, souhaita de le voir sur la « bonne opinion » que la Reine lui avait donnée de sa personne ; on verra plus loin quelles furent les suites de cet engagement.

La disgrâce de son père ayant cessé tout à coup, après que le refus d’entrer dans le parti de Monsieur, refus, dit Montrésor dans ses Mémoires (p. 210), imputable plutôt à la faiblesse qu’à un principe d’honneur, lui eut reconquis enfin les bonnes grâces du Cardinal, Marcillac revint à la cour (1637), au moment même où Anne d’Autriche était soupçonnée, non sans raison, d’entretenir, ainsi que Mme de Chevreuse, des intelligences avec l’Espagne. Louis XIII, excité par Richelieu, parlait hautement de la répudier et de l’enfermer au Havre. C’est alors, si l’on en croit la Rochefoucauld, que la Reine lui proposa de l’enlever avec Mlle de Hautefort et de les conduire à Bruxelles[3]. On a quelque peine à imaginer une reine de France courant ainsi les chemins, avec une jeune fille, sous la conduite d’un galant gentilhomme de vingt-quatre ans. Cette


    du 3 juillet 1635 ; les Mémoires de Mathieu Molé, tome I, p. 298, note 3 ; et Bazin, Histoire de France sous Louis XIII et sous le ministère du cardinal Mazarin, tome II, p. 3 70.

  1. Pages 23 et 24.
  2. Elle demeura en Touraine de 1633 à 1637 : voyez Madame de Chevreuse, p. 119 et 120.
  3. Mémoires, p. 27. — 4. Ibidem, p. 28.