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ET MAXIMES MORALES

CCCVI

On ne trouve guère d’ingrats tant qu’on est en état de faire du bien[1]. (éd. 3*.)

CCCVII

Il est aussi honnête d’être glorieux avec soi-même qu’il est ridicule de l’être avec les autres[2]. (éd. 3.)

CCCVIII

On a fait une vertu de la modération, pour borner l’ambition des grands hommes[3], et pour consoler les gens médiocres de leur peu de fortune et de leur peu de mérite[4]. (éd. 3.)

  1. Var. : On ne fait point d’ingrats tout le temps qu’on peut faire du bien. (Manuscrit.) — Cette réflexion revient à la maxime 298.
  2. L’annotateur contemporain demande quel est le sens du mot de glorieux ; Duplessis lui répond (p. 188) : « La Rochefoucauld veut dire qu’il faut avoir un grand respect de soi-même et de sa propre dignité, pour ne rien faire qui en soit indigne ; mais aussi qu’il seroit ridicule de faire sentir aux autres la supériorité que l’on peut ou que l’on croit avoir sur eux. Le mot glorieux est entendu ici dans un double sens très-admissible, et fait un excellent effet. » — Au fond, cette maxime de bienséance se rapporte à la 203e.
  3. « La modération des grands hommes, dit Vauvenargues (maxime 72, Œuvres, p. 381), ne borne que leurs vices. »
  4. La Harpe (tome VII, p. 267 et 268) répond, avec bien de la hauteur, à la Rochefoucauld : « Autant de mots, autant d’erreurs. L’homme ne fait point de vertus : la modération en est une, parce qu’elle est opposée à tous les excès, qui sont des vices. Les grands hommes ne sont point tous des ambitieux, et le désir de paraître modéré n’arrête point ceux qui ont de l’ambition ; et comment un moraliste peut-il faire entendre que la modération n’est le partage que des gens médiocres ? Cette maxime est incompréhensible dans tous les points. » — Voyez les maximes 293 et 565.